L'évaluation du secteur de microcrédit au Maroc
ensenble des articles et pfe en droit en langue francais marocaon dans les divers filiere de droit marocain
La finance informelle est une pratique courante au Maroc, qui a existé, depuis longtemps, sous différentes formes (l'autofinancement : une épargne de nature thésaurisatrice), les « banques clandestines » (ou usuriers), les commerçants banquiers, les opérations pseudo commanditaires, les opérations du pseudo hypothèque immobilière, tontines (« Dart » ou « jamaaiat »).
Le recours à ces pratiques financières informelles s'explique largement par l'absence d'une offre bancaire adaptée aux besoins des populations démunies et des microentrepreneurs.
Afin de répondre aux besoins des populations démunies et des microentrepreneurs, et à la lumière de l'émergence de la microfinance de par le monde, les premières opérations de microcrédit débutèrent au Maroc en 1993. Par la suite, à la fin des années 1990, plusieurs actions ont été estimées soit par les autorités publiques,soit par les bailleurs de fonds, soit par des Organisations Non Gouvernementales (ONG). Cela dans le but de consolider le secteur du microcrédit et de renforcer les capacités institutionnelles et financières des associations de microcrédit (AMC).
Section I : L'historique et émergence du secteur de microcrédit au Maroc.
I - Historique et développement :
Le secteur du microcrédit au Maroc est relativement jeune. La période 1993-1994 peut être considérée comme le début des programmes, par l'accord des petits prêts destinés à financer les activités économiques des personnes à bas revenu. Mais ce n'est pas qu'à partir de 1996 que l'expérience internationale en matière de microcrédit a commencé à être connu dans le pays.
A l'époque, ces programmes ont été opérés pour la plupart par des associations. L'association Al Amana créée a 1997 était la seule spécialisée dans le microcrédit. Vient au deuxième rang l'association Zakoura et AMSED qui ont bénéficié des contacts directs avec la communauté internationale de microcrédit. Par contre, les autres associations avaient des programmes à très petite échelle et opéraient avec une certaine confusion entre les rôles « sociaux » et économiques qu'elles devraient jouer dans le domaine de microcrédit.
Dans ce contexte, le gouvernement marocain et le PNUD, ont décidé de mettre en place le programme Microstart. L'objectif du programme était d'améliorer l'accès des microentrepreneurs à bas revenus aux services financiers, pour les aider à élargir leurs entreprises, augmenter leurs revenus et accroître l'emploi. L'approche du programme était principalement de renforcer les capacités des associations locales d'octroyer des services microfinanciers sur une base durable.
Les associations desservent beaucoup de zones géographiques actuellement. La majorité de leurs clients actifs sont des, microentrepreneurs avec les activités de petite et moyenne taille qui se trouve dans les milieux urbain.
Toutes les associations utilisent le crédit solidaire d'une façon identique avec une variation dans les termes de prêts.
Cette méthodologie, qui est bien appropriée pour une certaine clientèle, ne peut pas bien servir d'autres. Donc, par manque de méthodologies appropriées, le « bas » du marché, qui est concentré probablement en milieu rural, est très peu servi, ainsi que le « haut » du marché, qui est composé des plus grandes microentreprises et celles en voie de développement en milieu urbain.
L'effet du financement du secteur et l'assistance technique fournie, ainsi que les efforts des associations elles-mêmes, sont apparents au sein des associations. Il y a eu du progrès considérable du côté capacité institutionnelle, et comme au niveau du marché, il reste du travail à faire dans le renforcement de ces associations.
Aujourd'hui, le secteur recèle un immense potentiel de développement avec l'existence de 12 associations actives de microcrédit36(*).
II - Cadre réglementaire :
1) La loi relative au microcrédit :
Le secteur de la microfinance est régi par le droit des associations (15 novembre 1958) tel que modifié et compléter en 2002, et par la loi 18-97 relative au microcrédit promulguée par le dahir du 15 février 199937(*). Au terme du premier article de cette dernière : « est considéré comme association de microcrédit toute association constituée conformément aux dispositions du dahir n° 1-58-376 du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958) réglementant le droit d'association et dont l'objet est de distribuer des microcrédits dans les conditions prévues par la présente loi et les textes pris pour son application ». Des modifications ont été apportées à la loi 18-97 afin d'autoriser les AMC à étendre leur champ d'action aux prêts liés à la rénovation et l'amélioration de logements sociaux, l'accès à l'eau potable et l'électricité. Au terme de l'article unique de la loi 58-03 du 6 mai 2004 modifiant et complétant la loi 18-97 relative au microcrédit : « est considéré comme microcrédit tout crédit dont l'objet est de permettre à des personnes « économiquement faibles » :
ü De créer ou de développer leur propre activité de production ou de service en vue d'assurer leur insertion économique ;
ü D'acquérir, de construire ou d'améliorer leur logement ;
ü De se doter d'installations électriques ou d'assurer l'alimentation de leur foyer en eau potable... »
La loi a également fixé le seuil des prêts à 50000 dh, mais son décret d'application s'est contenté d'un plafond de 30000 dh ! Cette restriction a permis de segmenter le marché du crédit : les AMC servent donc essentiellement les petites activités génératrices de revenu et les microentrepreneurs.
Le texte de la loi a doté le secteur de deux structures d'encadrement :
o Un Conseil Consultatif pour le Microcrédit (CCM) qui est consulté sur toutes les questions liées au développement du secteur ;
o et un organe de concertation, de coordination interne et de représentation externe. C'est la Fédération Nationale des Associations de Microcrédit (FNAM).
Dans ce cadre, toute AMC est tenue d'adhérer à la FNAM. Les statuts de cette dernière doivent être approuvés par le ministre chargé des finances après avis consultatif du microcrédit.
a) Le contrôle des associations du microcrédit :
Toute association de microcrédit doit en principe tenir d'une comptabilité régulière faisant apparaître toutes ses ressources, ses emplois, ses produits et ses charges selon les modalités fixées par voie réglementaire.
Les pièces et documents ayant servi de base aux écritures comptables doivent être conservés par l'association pendant au moins dix ans.
Les AMC doivent procéder à l'audit externe de leur gestion. Les rapports d'audit sont communiqués au ministre chargé des finances.
Un comité de suivi des AMC est institué pour effectuer un contrôle sur place et sur pièces sur les activités des associations. Ce contrôle porte également sur le caractère licite de l'origine des fonds dont disposent ces associations.
Les documents et toutes les renseignements, qu'une AMC juge nécessaire, doivent être communiqués au comité de suivi.
Il est utile de rappeler que le comité de suivi est composé de représentants de l'administration et il veille au respect, par les associations, des dispositions de la loi sur le microcrédit.
b) Le régime fiscal de l'activité du microcrédit :
Dans ce cadre, les opérations de crédit effectuées par les AMC au profit de leur clientèle sont exonérées de la TVA. Cependant, les dons en argent ou en nature octroyés par personnes physiques ou morales aux AMC constituent des charges déductibles et instituant un impôt sur les sociétés.
Les équipements et les matériels destinés exclusivement au fonctionnement de microcrédit bénéficient de l'importation en franchise des droits de douanes et autres droits et taxes.
Ces exonérations, déductions et franchises sont accordées à chaque AMC pour une durée de 5 ans à compter de la date de publication au bulletin officiel.
c) Autres dispositions :
Selon l'article 24 de la présente loi, le ministre chargé de la finance peut adresser une mise en garde aux dirigeants d'une AMC qui ne respecte pas les dispositions de l'article 8, 9, 11, 12, 13, 15 et 16 de la loi encadrante. Si cette mise en garde demeure sans effet, un avertissement sera dressé à l'association concernée et suspendre un ou plusieurs de ses dirigeants.
2) Atouts et limites du cadre réglementaire :
a) Les atouts :
La loi régissant les activités de microcrédit a plusieurs atouts, on peut citer :
§ La loi restreint le champ d'action des AMC à des activités de microcrédit38 (*). Cela a permis aux AMC de se concentrer davantage sur le microcrédit et de développer un savoir faire négligeable en la matière. Cette spécialisation a donné ses fruits avec l'existence actuelle d'AMC performantes techniquement et financièrement, et dont la reconnaissance est mondiale. Leur spécialisation et leur savoir faire en la matière les a aidées à accéder à certaines ressources (surtout aux lignes de crédit bancaire à court terme), à recevoir de l'argent des bailleurs de fonds, et à bénéficier des dons publics.
§ La loi oblige les AMC à présenter des projections financières garantissant leur viabilité (la réalisation d'un bénéfice) au terme d'une période n'excédant pas cinq ans, à compter de la date de leur autorisation. Cette obligation a été propice à l'émergence d'institutions pérennes plus attractives à l'égard des différentes sources de financement. Il importe cependant de signaler que la loi ne prévoit aucune sanction en cas de non respect de cette contrainte. Par conséquent, cette dernière pourrait, à l'évidence, inciter les AMC à s'éloigner de l'objectif d'éradiquer la pauvreté, pour cibler essentiellement les activités solvables. Il nous semble qu'un principe directeur fondamental doive guider le fonctionnement du secteur du microcrédit : si la recherche de la rentabilité par les AMC est légitime et nécessaire à leur existence et développement, elle doit néanmoins tenir compte de la fonction sociale du secteur. Pour cela, les AMC offrant des produits et services coûteux et qui ne sont rentables qu'à long terme (l'octroi de crédit à une population rurale dispersée, par exemple) devraient bénéficier d'un soutien considérable des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds.
§ La loi prévoit une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les opérations de microcrédit, pour une durée de cinq ans, à compter de la date de publication de l'arrêté d'agrément du Ministre des Finances. Cette exonération a bien permis aux AMC de consolider davantage leur assise financière sans renchérir leurs prestations. Le nouveau projet de la loi de Finances39(*) 2006 prévoit la prorogation de l'exonération de la TVA pour cinq autres années. Cela s'inscrit dans le cadre d'une stratégie du gouvernement à renforcer davantage le développement du secteur40(*) .
§ Conformément aux dispositions de la loi, le plan comptable qui a été approuvé lors de la neuvième assemblée plénière du Conseil National de la Comptabilité (CNC). Ce projet permettra aux AMC de disposer d'un tableau de bord composé de ratios prudentiels41 (*).
b) Principales entraves auxquelles se heurtent les AMC :
La loi relative au microcrédit souffre de certains écueils qui peuvent sérieusement entraver le développement des AMC :
o Le statut d'association sans but lucratif des AMC entrave l'accès de celles-ci à certaines sources de financement.
o La loi ne permet pas aux AMC de mobiliser l'épargne des ménages pauvres et celle des microentrepreneurs, cela prive, encor une fois, les AMC de la possibilité de diversifier leurs produits et d'accéder à des ressources financières importantes pour financer leur croissance.
Il ressort donc, au terme de cette section, que le cadre réglementaire actuel contient des vertus et des entraves au développement des AMC. Les atouts doivent être renforcés et les entraves endiguées.
III - Place du microcrédit dans l'INDH :
L'Indice National du Développement Humain (INDH) est une approche globale et intégrée qui vise à réduire la pauvreté, la vulnérabilité, la précarité et l'exclusion sociale. Par sa logique et son fonctionnement, l'INDH offre un cadre d'actions pour le microcrédit.
1) INDH : quatre programmes prioritaires.
Le programme d'action de l'INDH s'étalera sur les cinq années à venir (2006-2010)42(*). Un budget de 10 milliards de dirhams lui a été consacré ; l'Etat y contribuera par 60%, les collectivités locales et l'aide internationale par 20% chacune. A travers ce budget, l'INDH cherche à instaurer une dynamique pérenne en faveur du développement humain, de l'épanouissement et du bien-être de l'ensemble de la population. Concrètement, l'INDH43(*) se présente comme l'articulation de quatre programmes prioritaires :
· programme de lutte contre la pauvreté en milieu rural ;
· programme de lutte contre l'exclusion sociale en le milieu urbain;
· programme de lutte contre la précarité ;
· programme transversale : il vise l'ensemble des provinces et des préfectures.
2) Vers une contractualisation des relations Etat- AMC :
L'INDH accorde une place importante au microcrédit qui est appelé à financer les activités génératrices de revenu et éventuellement, l'accès aux infrastructures de base des populations démunies.
En vertu de leurs atouts indéniables, les AMC sont à même de contribuer sérieusement à la réalisation des objectifs de l'INDH.
En outre, pour permettre aux AMC de bien assumer les missions qui leur sont dévolues dans le cadre de l'INDH, il serait opportun de penser les relations Etat-AMC dans le cadre d'une vision claire et cohérente.
Plus explicitement, il s'agit de consolider ces relations dans le cadre d'un contrat programme entre l'Etat et la FNAM. Ce contrat fixera des obligations de résultats pour les AMC, c'est-à-dire les objectifs à atteindre. De même, en vertu de ce contrat, l'Etat devrait s'engager à offrir toutes les formes d'aide et d'appui aux AMC44(*).
* 36 - · Evaluation du secteur du microcrédit au Maroc· Ann Duval, 28 septembre 2001.
* 37 - outre cette loi, le secteur est régi par quatre décrets :
- décret n° 2-99-1044 fixant le montant de microcrédit à 30000dh ;
- décret n° 2-99-1045 chargeant le Ministre de Finances de fixer les modèles des états comptables des AMC ;
- décret n° 2-99-1046 fixant la composition et les modalités de financement du Comité de Suivi des activités des AMC ;
- et le décret n° 2-00-138 fixant la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil Consultatif du Microcrédit.
* 38 - Au sens de l'article 3 de la loi 18-97, l'octroi du microcrédit peut assorti de formation, de conseil et d'assistance. Il revêt donc un caractère fondamentalement social.
* 39 - http://www.finances.gov.ma
* 40 « Financement des associations de microcrédit (AMC) au Maroc », Khalil BAGUAR, Maroc, novembre 2005, p9.
* 41 - l' Economiste, 20 février 2005.
* 42 - Une première phase de ce programme a été d'ores et déjà lancée, en 2005, avec une série d'action et de projet.
* 43 - Rapport : ·Royaume du Maroc, Initiative Nationale pour le développement Humain·, septembre 2005.
* 44 - ·Financement des associations de microcrédit (AMC) au Maroc· Khalil BAGUAR, Maroc, novembre 2005.