Conditions de l’exequatur selon le droit marocain

Les jugements étrangers ne peuvent être exécutés sur le territoire marocain que s’ils sont revêtus de la formule exécutoire. Ces jugements sont essentiellement rendus en matière civile, commerciale, familiales et pénale.

Conditions de l’exequatur selon le droit marocain

Les jugements étrangers ne peuvent être exécutés sur le territoire marocain que s’ils sont revêtus de la formule exécutoire. Ces jugements sont essentiellement rendus en matière civile, commerciale, familiales et pénale.

En matière du droit de la famille :

L’article 128. 2 du code de la famille stipule que : « Les jugements de divorce, de divorce judiciaire, de divorce Khol’ ou de résiliation de mariage, rendus par les juridictions étrangères sont susceptibles d’exécution s’ils sont rendus par un tribunal compétent et fondés sur des motifs qui ne sont pas incompatibles avec ceux édictés par le présent code pour mettre fin à la relation conjugale. Il en est de même pour les actes conclus à l’étranger devant les officiers et les fonctionnaires publics compétents, après avoir satisfait aux procédures légales relatives à l’exequatur, conformément aux dispositions des articles 430, 431 et 432 du code de procédure civile ».

La Cour suprême du Maroc est allée dans ce sens dans son arrêt n° 180 rendu dans le dossier de statut personnel n° 277/99 en date du 24/04/2003 en affirmant « qu’il n’y a aucune disposition qui exclut de l’exequatur les jugements étrangers rendus en matière de statut personnel tant que les conditions requises par la loi sont remplies ».

A noter que le jugement étranger doit respecter les dispositions du code de la famille marocain telles que la tentative de conciliation entre les époux avant le divorce, sans être tenu de citer les causes du divorce, en usant des mêmes termes utilisés par le droit marocain ou de faire référence à ses dispositions relatives à la dissolution de l’union conjugale.

Dans son arrêt n° 312, la Cour suprême décide que : « les jugements étrangers en matière de divorce peuvent être exécutés lorsqu’ils sont rendus par une juridiction compétente, fondés sur des causes compatibles avec celles édictées par le Code de la famille marocain en matière de dissolution du mariage et revêtus de l’exequatur[1].

Ainsi, les juridictions marocaines ne peuvent refuser l’exequatur d’un acte ou d’un jugement étranger se prononçant sur le divorce au motif qu’il est rendu par des juges non musulmans ».

En matière pénale

Pour ce qui est des jugements rendus en matière pénale, leur reconnaissance est régie par l’article 716 du Code de procédure pénale et non par le Code de procédure civile. Cet article énonce que : « Lorsqu’à l’occasion d’une poursuite pénale pour crime ou délit de droit commun, une juridiction répressive du Royaume constate à l’examen du casier judiciaire de l’auteur de l’infraction que ce dernier a déjà fait l’objet d’une condamnation prononcée par une juridiction étrangère pour crime ou délit de droit commun, également puni par la loi marocaine, elle peut par une disposition spécialement motivée de sa décision constatant la régularité de la sentence pénale étrangère, retenir cette dernière comme l’un des termes de la récidive ».

Il existe cependant une exception, c’est lorsque la juridiction pénale se prononce sur l’action civile accessoire pour dédommager la victime. Dans ce cas, ce jugement est exécuté au Maroc selon les dispositions de l’article 717 du CPP qui renvoi au CPC en stipulant que les condamnations civiles prononcées par une juridiction pénale étrangère ne peuvent recevoir exécution au Maroc, à moins qu’en vertu d’une décision d’une juridiction civile marocaine, elles n’aient reçu l’exequatur en application des dispositions du Code de procédure civile ».

L’article 715 règlemente l’exécution sur le territoire national des commissions rogatoires étrangères :

« Les commissions rogatoires provenant de l’étranger sont exécutées comme celles délivrées sur le territoire du Royaume et conformément à la législation marocaine…

Toutefois, les commissions rogatoires ne peuvent être exécutées si elles ne rentrent pas dans la compétence des autorités marocaines ou si leur exécution est de nature à compromettre la souveraineté du Royaume du Maroc, sa sécurité, son ordre public ou ses autres intérêts essentiels…

En cas de transmission directe, l’autorité étrangère ne doit être avisée de la suite donnée qu’après réception de la copie transmise par la voie diplomatique ».

L’article 430.2 du code de procédure civile dispose que : « Le tribunal saisi doit s’assurer de la régularité de l’acte et de la compétence de la juridiction étrangère de laquelle il émane. Il vérifie également si aucune stipulation de cette décision ne porte atteinte à l’ordre public marocain ».

Trois conditions sont alors requises pour l’exequatur :

  • Il faut que le jugement étranger ait respecté les règles procédurales de l’Etat dont il relève, sans aucun examen de la part de la juridiction nationale de la qualification des faits, de la pertinence et de la sincérité des motivations et des moyens de preuve ;
  • Le tribunal étranger doit être compétent pour rendre le jugement en cause ;
  • Le jugement étranger doit respecter l’ordre public marocain.

La notion d’ordre public étant relative, le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire en matière d’examen de la conformité du jugement étranger à l’ordre public national.

Force est de rappeler que le tribunal peut prononcer l’exequatur partielle d’un jugement étranger si l’autre partie de ce jugement est contraire à l’ordre public marocain.

Il en ainsi, par exemple, lorsque le jugement étranger rendu entre deux musulmans prononce dans son dispositif le divorce et le paiement de la pension alimentaire au profit d’un enfant illégitime, auquel cas, la juridiction marocaine accorde l’exequatur au jugement étranger dans son volet mettant fin à la relation conjugale et le refuse pour ce qui est de la pension, car contraire à l’ordre public marocain.

Par contre, la soustraction à l’exécution d’un jugement national et le recours à une juridiction étrangère pour obtenir un jugement qui lui est contraire constitue une atteinte à la souveraineté de l’Etat.

La Cour suprême s’est prononcée sur ce sujet confirmant dans son arrêt n° 592 du 18/10/2006 que : « la soustraction de l’intimée à l’exécution du jugement rendu à son encontre par une juridiction marocaine et la saisine de sa part d’une juridiction étrangère pour obtenir le divorce constitue une atteinte à l’ordre public marocain ; dès lors, il convient de casser l’arrêt qui a revêtu le jugement étranger de la formule exécutoire ».

A cela s’ajoute une autre condition, à savoir :

Le jugement étranger doit être définitif et susceptible d’application dans l’Etat où il a été rendu.

Par jugement définitif, on entend tout jugement qui n’est susceptible d’aucune voie de recours ordinaire ou extraordinaire selon la loi du pays de laquelle il émane, ce qui assure une garantie des droits des parties.

Toutefois, il existe des dérogations à ce principe en vertu de certaines conventions internationales.

C’est ainsi que l’article 24 du titre 6 de la convention entre le Royaume du Maroc et la République Populaire de Pologne relative à l’entraide judiciaire en matière civile et pénale stipule que :

« Chacune des parties reconnaît et autorise l’exécution sur son territoire des jugements rendus par le pays de chacune d’elles, à savoir les jugements définitifs exécutoires rendus en matière civile et les jugements revêtus de l’exécution provisoire rendue en matière de pension alimentaire et de garde des enfants ».

La justice marocaine exerce un contrôle sur les jugements étrangers. Le système adopté est celui du contrôle, c’est-à-dire du contrôle des conditions externes du jugement étranger en excluant le système de la réciprocité.

Mais qu’en est-il de l’autorité chargée de l’exequatur ?

D’après l’article 430 du Code de procédure civile « les décisions de justice rendues par les juridictions étrangères ne sont exécutoires au Maroc qu’après avoir été revêtues de l’exequatur par le tribunal de première instance du domicile ou de la résidence du défendeur ou, à défaut, du lieu où l’exécution doit être effectuée ».

Pour ce qui est des affaires familiales, c’est la section de la famille relevant du tribunal de première instance qui est compétente pour se prononcer sur l’exequatur.

Mais avec la mise en place des juridictions administratives et commerciales, on peut dire, en l’absence de disposition expresse, que lorsque le jugement étranger se prononce sur un litige administratif ou commercial, ce sont ces tribunaux qui restent compétents pour statuer sur la demande d’exequatur.

En matière d’arbitrage commercial, l’article 327-46 du code de procédure civile[2] stipule que « les sentences arbitrales internationales sont reconnues au Maroc si leur existence est établie par celui qui s’en prévaut et si cette reconnaissance n’est pas contraire à l’ordre public national ou international. Sous les mêmes conditions, elles sont déclarées reconnues et exécutoires au Maroc par le président de la juridiction commerciale dans le ressort de laquelle elles ont été rendues, ou par le président de la juridiction commerciale du lieu d’exécution si le siège de l’arbitrage est situé à l’étranger ».

[1] Conformément aux dispositions des articles 430 et 431 du Code de procédure civile.

[2] Ajouté par l’article 1er de la loi n° 08-05 promulguée par le dahir n° 1-07-169 du 30 novembre 2007 - 19 kaada 1428 ; B.O. n° 5584 du 6 décembre 2007.

What's Your Reaction?

like
0
dislike
0
love
0
funny
0
angry
0
sad
0
wow
0