le regime foncier au maroc
ensenble des articles et pfe en droit en langue francais marocaon dans les divers filiere de droit marocain
ROYAUME DU MAROC
MARCHÉS FONCIERS POUR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE AU MAROC
Volume I – Héritage et Structures Foncières au Maroc
Les contraintes structurelles et institutionnelles à l’émergence d’un marché efficient du foncier au Maroc
31 mai 2008
Secteur Financier et Secteur Privé
Groupe Développement Economique et Social
Région Moyen-Orient et Afrique du Nord
EQUIVALENTS MONETAIRES
(Au 30 juillet 2007)
Unité monétaire : Dirham marocain (DH)
Taux de change : 1 $EU = 8.1262 DH
POIDS ET MESURES
Le système métrique est utilisé dans ce rapport
EXERCICE BUDGETAIRE
1er juillet – 30 juin
Abréviations
ANCFCC Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie
CF Conservation Foncière
DAF Direction des Aménagements Fonciers
DAR Direction des Affaires Rurales
Département du Cadastre National
DH Dirham Marocain
DRS Défense et Restauration des Sols
GFI Groupements Fonciers d’Indivisaires
IGR Impôt Général sur le Revenu
NI Non Immatriculés
PMVB Périmètre de Mise en Valeur du bour
RGA Direction Générale du Génie Rural Recensement Général Agricole
SAU Superficie agricole utile
SOGETA Sociétés d’Etat
TE Taxe d’Edilité
TPI Tribunaux de Première Instance
Vice- présidente |
: |
Daniela Gressani |
Directeur du département et économiste en chef |
: |
Mustapha K. Nabli |
Directrice p.i. du département Maghreb |
: |
Cécile Fruman |
Responsable sectorielle |
: |
Zoubida Allaoua |
Chargé de Projet Principal |
: |
Najy Benhassine |
Chargé de Projet Adjoint |
|
Marie- Hélène Collion |
ROYAUME DU MAROC
ETUDE « MARCHÉS FONCIERS POUR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE AU MAROC »
Volume I – Héritage et Structures Foncières au Maroc.
Les contraintes structurelles et institutionnelles à l’émergence d’un marché efficient du foncier au Maroc
Table de matières
Avant Propos............................................................................................................. ....... iv
Chapitre I La diversité des statuts juridiques. 1
I.1 Les terres collectives, anciennes terres de tribus. 2
I.2 Les terres guich, des terres collectives au statut particulier. 4
I.3 Les immeubles habous, des donations à caractère religieux. 5
I.4 Les biens immobiliers domaniaux, une réserve foncière pour l’aménagement et le développement 5
I.5 Les lots de la réforme agraire : un secteur en transition du statut domanial au statut melk. 6
I.6 Le melk, statut de pleine propriété privée, auprès une forte expansion. 6
I.7 Intérêt sociologique de la diversité des statuts juridiques. 8
I.8 La Réforme en cours des statuts et de la réglementation. 8
Chapitre II La dualité du régime de sécurisation foncière. 13
II.1 Le régime traditionnel issu du droit musulman. 15
II.2 Le régime moderne de l’immatriculation. 16
II.3 La variabilité du mode de preuve. 17
III.1 Organismes en charge de la définition des politiques foncières. 19
III.2 Gestion du domaine de l’Etat 19
III.3 Gestion des terres sous statuts particuliers. 20
III.4 Administration des droits de propriété. 21
Chapitre IV L’indivision, conséquence du partage successoral. 25
IV.1 Origines de l’indivision. 25
IV.2 Etendue du phénomène et liens avec l’immatriculation. 26
IV.3 Mécanismes de sortie de l’indivision. 28
IV.4 La réforme de l’indivision. 29
Chapitre V Des spécificités du foncier agricole. 32
V.1 Pression foncière et structures d’exploitation. 32
V.2 Un marché foncier fortement contraint. 33
V.3 Fiscalité : une différence marquée entre l’urbain et l’agricole. 37
Tableaux
Tableau 1 : Répartition de la totalité des terres par statut juridique 2
Tableau 3 : Importance de l’Indivision dans le melk 26
Tableau 4 : Répartition de la SAU et du nombre des exploitations 33
Tableau 5 : Evolution du marché foncier urbain et rural entre 1980 et 2001. (en milliers de DH) 34
Lexique
Adoul Notaires de droit musulman. Singulier : adel
Dahir Décret Royal
Guich Terres collectives concédées à des tribus pour services rendus au Souverain
Habous Biens offerts par un individu au profit d’une œuvre pieuse ou charitable
Intifaã Droit de jouissance
Manfaa Usufruit
Melk Statut foncier donnant à son détenteur un droit de pleine propriété
Moulkiya Acte adoulaire affirmant le fait de la possession régulière sur la base de témoignages
Raqaba Propriété éminente
L’objet de ce volume I est de présenter les principales contraintes structurelles et institutionnelles au développement efficient des marchés fonciers au Maroc. Bien que ces contraintes soient communes à tous les types de foncier, l’accent est mis sur le foncier rural et agricole, car elles s’y expriment de manière plus forte. Le volume IV de cette étude couvre les aspects spécifiques au foncier industriel.
Le volume décrit l’héritage complexe du foncier au Maroc, fait de statuts différents, d’une dualité dans le cadre légal et administratif des droits de propriétés traditionnels et modernes et, s’agissant plus particulièrement du foncier agricole, d’un marché peu actif, soumis à une grande pression foncière que reflète l’étendue du problème de l’indivision. Cette pression foncière est aussi alimentée par des investissements non agricoles qu’encourage l’absence de fiscalité dans l’agriculture.
Un ensemble de recommendations est proposé à la fin du volume, en vue d’améliorer la sécurisaiton foncière et la fluidité des marchés. Ces recommendations sont reprises de façon plus détaillée dans les deux volumes suivants.
Le volume II porte essentiellement sur la problématique de la sécurisation foncière, en détaillant les enjeux auxquels font face tant la sécurisation traditionnelle que l’immatriculation. L’approche du volume II est d’ordre légal et institutionnel et s’appuie sur les statistiques disponibles en termes d’immatriculation. L’objet du volume est d’aboutir à une stratégie cohérente d’amélioration de la sécurisation foncière au Maroc, faite notamment d’un renforcement du système de la moulkiya, en parallèle aux réformes de l’immatriculation. Il y est en particulier proposé l’introduction d’une nouvelle approche d’immatriculation groupée en zone rurale.
Le volume III vient essentiellement en support du diagnostic et des recommandations présentées dans les volumes I et II. Il présente les résultats d’une enquête rurale réalisée en mars et avril 2007, qui a porté sur l’impact de l’immatriculation sur l’investissement et la productivité des exploitations agricoles. D’autres données collectées sur le terrain, en particulier sur l’indivision, viennent alimenter les arguments présentés dans ces deux premiers volumes.
Ce premier volume a été rédigé par une équipe composée de Najy Benhassine, Marie-Hélène Collion et Isabelle Girardot-Berg (consultante, auteur d’une première version du rapport). Y ont contribué Nédjib Bouderbala (consultant) et Youssef Saadani. Nous remercions Mme Zoubida Allaoua, responsable sectorielle à la Banque Mondiale, pour les nombreuses suggestions qu’elle a apporté à une première version de ce rapport.
- La question foncière au Maroc ne peut être abordée sans passer en revue les différents statuts et régimes de la propriété immobilière, dont la complexité trouve ses racines dans la longue histoire du pays. Comme d’ailleurs les autres pays du Maghreb, le Maroc a connu la séquence coutume-loi musulmane-loi positive moderne. Cependant ces sources socio-juridiques du droit actuel ne sont pas restées séparées et se sont articulées dans un ensemble complexe dans lequel la part de chacune ne peut pas toujours être isolée[1] . Il s’en suit donc un ensemble diversifié au sein duquel s’articulent les coutumes d’origine préislamique, la loi foncière musulmane, et la législation coloniale et postcoloniale. A l’époque du Protectorat, le partage du pays entre une Zone Sud (française) et une Zone Nord (sous l’emprise de l’Espagne) a ajouté à la complexité de l’héritage foncier. Celui-ci se traduit par une hétérogénéité des statuts et des régimes d’immatriculation foncière.
- Le Tableau 1 donne un aperçu de la complexité de la situation des systèmes fonciers coexistants aujourd’hui et des institutions de tutelle. D’une manière générale, on distingue les terres « melk » ou terres privées individuelles, des terres non « melk » que sont les propriétés collectives, collectives guich, habous et domaniales. Ces dernières sont, vis-à-vis des tiers, des propriétés privées appartenant soit à l'Etat soit à des collectivités. Elles peuvent être immatriculées ou non. La différence avec les terres dites melk réside dans les règles de jouissance, de disposition et de succession instituées par les dispositions particulières qui les régissent. Elles sont de manière générale, inaliénables, imprescriptibles, insaisissables et leur location est assujettie à des contraintes.
Tableau 1 : Répartition de la totalité des terres par statut juridique[2]
Statut juridique |
Superficie (ha) |
% |
Gestion/Tutelle |
Terres collectives |
12.000.000 |
41.6 |
Min. Intérieur (Affaires rurales) |
Melk |
8.000.000 |
27.7 |
n.a. |
Terres guich |
210.000 |
0.7 |
Min. Intérieur (Affaires rurales) et Min. de l’Economie et des Finances (Domaines) |
Terres habous |
100.000 |
0.3 |
Min. Habous et Affaires Islamiques |
Domaine :
|
320.000 1.045.000 7.200.000 |
1.1 3.6 24.9
|
Min. Equipement Min. de l’Economie et des Finances (Domaines) Haut Commissariat Eaux et Forêts |
Total |
28.875.000 |
100.0 |
|
Source : Etude Intélec p.23
I.1 Les terres collectives, terres de tribus
- Les terres collectives[3] sont probablement une des formes les plus anciennes
d’occupation des sols au Maroc. Ce sont à l’origine essentiellement des terres de
tribus. Avec l’arrivée des arabes, la propriété foncière est
« démembrée » entre propriété éminente (raqaba),
appartenant au prince, et usufruit (intifaâ) profitant à ses occupants c'est-à-
dire le plus souvent aux tribus. Il n’y avait pas de statut juridique à proprement parler de ces
terres, mais une occupation de fait de territoires plus ou moins stables par des tribus souvent
itinérantes. Afin tout à la fois de protéger les terres des tribus autochtones et de
contrôler les populations, le Protectorat avait introduit dès 1919 des restrictions
sévères aux droits de propriété des terres collectives, assorties d’une mise sous
tutelle des tribus, qui de fait, n’avaient qu’un droit de jouissance. Ainsi la législation
accorde à ces terres un caractère :
- Inaliénable : ne pouvant être cédées ou vendues ;
- Imprescriptible : ne pouvant être acquises par prescription acquisitive comme c’est le cas pour le melk (c'est-à-dire par la possession continue pendant 10 ans) ;
- Insaisissable : ne pouvant faire l’objet de saisie, ces terres ne peuvent pas non plus servir de garantie aux prêts hypothécaires ;
- Assujetties à des limites au droit de location et qu’une part théoriquement d’égale superficie revient à chaque ayant droit (Dahir du 27 avril 1919). Ce texte toujours en vigueur détermina les limites administratives des terres collectives, fixant ainsi les tribus dans ces limites. Il établit la tutelle du pouvoir central sur ces terres, et en expropria certaines pour y installer des périmètres de colonisation.
- Les terres collectives occupent aujourd’hui quelque 12 millions d’hectares (dont 1,5 million ha de terres de culture) exploités par 4.600 collectivités. En plus de ces terres, les collectivités ethniques sont propriétaires ou possèdent d’autres biens, notamment les droits réels reconnus dans le domaine public et privé de l’Etat (forêts, eau, mines, pâturage...)
- Les collectivités ethniques sont représentées par l’assemblée des délégués, qui sont choisis selon les us et coutumes de chaque tribu. Elles sont responsables de la gestion du patrimoine, en particulier elles procèdent seules au partage de jouissance entre les membres. Le naïb est le représentant de la collectivité dans la défense de ses intérêts, mais il apparaît également comme l’instrument de contrôle de l’autorité au sein des « collectifs ».[4]
- Le Ministère de l’Intérieur exerce une tutelle sur les collectivités ethniques, pour tout ce qui concerne la location ou cession de terrains et les réquisitions d’immatriculation. La Direction des Affaires Rurales de ce Ministère est chargée du suivi des dossiers des terres collectives selon les directives du Ministre.
- Le Conseil de tutelle, instance administrative, est composé, outre le Ministre de l’Intérieur qui le préside, par le Ministre de l’Agriculture, les directeurs des Affaires politiques et des Affaires administratives du Ministère de l’Intérieur et par deux membres désignés par le Ministre de l’Intérieur. Le Conseil de tutelle est convoqué par le Ministre de l’Intérieur pour l’assister dans l’examen des réclamations.[5] Il a « compétence en matière de règlement de conflits lorsqu’il s’agit de l’application des us et coutumes».[6] En outre, le Conseil de tutelle :
- Etudie les demandes de la répartition de fonds entre les membres des collectivités ethniques ayant demandé la distribution dudit fonds à leurs membres ;
- Statue sur les demandes d’acquisition des terres collectives formulées par l’Ettat, les communes, les établissements publics ou les collectivités ethniques ;
- Procède à l’examen des recours prévus au deuxième alinéa de l’article 4 du dahir n°1-69-30 du 25 juillet 1969 relatif aux terres collectives situées dans les périmètres d’irrigations ;
- Désigne l’attributaire du lot laissé par l’ayant droit décédé, à défaut d’accord entre les cohéritiers (article 8 du dahir n°1-69-30 du 25 juillet 1969 précité).
- Les décisions du Conseil ne font l’objet d’aucune publicité. Elles ne sont pas motivées et ne sont susceptibles d’aucun recours.
- Le mode de gestion des terres collectives a évolué naturellement vers une individualisation de fait des terres de culture (« melkisation »), le partage périodique ayant pratiquement disparu sur ces terres. D’après l’atelier organisé en 2000 par le Ministère de l’Agriculture sur le foncier agricole, le partage était définitif pour 98% des terres de culture. Le principe de l’égalité n’est souvent plus respecté, les collectivistes les plus influents possédant des parts de taille supérieures aux autres. Enfin, contrairement au passé, il arrive que les femmes reçoivent des parts collectives. Cette « melkisation » de fait n’est pas reconnue par la loi, sauf dans les périmètres d’irrigation.
- En 1969, le statut juridique des terres collectives situées à l’intérieur des périmètres d’irrigation a été modifié[7]. Afin d’encourager leur intensification, elles sont passées sous un statut de type melk assorti de restrictions. En droit, elles appartiennent aujourd’hui dans l’indivision aux personnes qui avaient la qualité d’ayants droit. Un mode particulier de dévolution successorale a été institué : afin de ne pas augmenter le nombre d’indivisaires (part dévolue à un seul héritier), la cession des quotes-parts est permise entre seuls co-indivisaires. La séparation en lots individuels n’est autorisée que si elle crée des propriétés d’une superficie minimum de 5 ha.
- Cette mutation très lourde de conséquences du collectif au melk (en particulier l’établissement préalable des listes d’ayants droit à « melkiser » a été difficile et n’est pas encore close 38 ans après son initiation. Au problème de l’établissement des listes des ayants-droit, s’ajoute le problème des litiges entre collectivités ethniques sur l’assiette foncière lorsque les terres ne sont pas délimitées ainsi que celui de l’immatriculation foncière, très faible au niveau des terres collectives, ce qui limite leur lotissement au profit des ayants-droit.
I.2 Les terres guich, des terres collectives au statut particulier
- Les terres guich sont des terres collectives avec un statut particulier. A l’origine, le Souverain les avait accordées en jouissance à des tribus en contrepartie d’un service rendu, à caractère militaire. On les trouvait autour des villes impériales : Meknès, Fès, Marrakech, Rabat. Les terres guich sont encore aujourd’hui exploitées en groupements ethniques, sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur.
- Le régime guich est caractérisé par un démembrement du droit de propriété. A la différence des terres collectives des tribus, l’Etat a la nue-propriété (droit éminent) des terres guich. Ces terres sont donc inscrites au domaine privé de l’Etat. Les collectivités guich sont titulaires à titre collectif de l’usufruit (« menfaa ») résultant d’une concession du souverain ; et les ayants-droit, membres de la collectivité guich, sont titulaires d’un simple droit de jouissance (« intifaa »). Le caractère précaire de la possession crée un sentiment d’instabilité chez les usagers. Ces terres guich ont la particularité de n’être régies par aucun texte spécifique, ce qui accroît encore les incertitudes.
- Au début du Protectorat, ces terres étaient importantes (environ 768,000 hectares), mais une large partie fut prélevée, en échange de quoi l’Etat accorda aux collectivités ainsi amputées, la pleine propriété sur leurs terres restantes, qu’il transforma ainsi en terres collectives (ce sont les « guich concédés »). Il ne reste aujourd’hui qu’environ 210,000 ha sous le statut guich au sens strict, principalement autour de Marrakech.
I.3 Les immeubles habous, des donations à caractère religieux
- Les biens habous sont des biens, généralement immeubles, offerts par un individu au profit d’une œuvre pieuse, charitable ou sociale. Ces propriétés inaliénables et imprescriptibles sont régies par les règles de droit musulman. La vente n’est possible qu’avec l’autorisation préalable du Roi (Dahir du 7 juillet 1914). L’usufruit des biens habous est cédé à titre gratuit et à perpétuité à des bénéficiaires qui les font fructifier à des fins sociales ou religieuses. Il existe deux types de habous : publics (environ 100 000 ha dont 60% de terres agricoles) et privés[8] . Les habous publics sont sous le contrôle du Ministère des Habous et Affaires Islamiques qui doit les valoriser, au profit des bénéficiaires désignés, ce qui a fait de ce Ministère un promoteur foncier et immobilier. Les habous privés ne peuvent être cédés à moins de l’extinction de tous les héritiers. A ce moment, le bien habous privé devient public et passe sous le contrôle du Ministère des Habous.
- Ce ministère est entrain de régler la question des habous privés en procédant au partage entre la part qui doit revenir aux habous publics et celle qui doit revenir aux héritiers. C’est dans le domaine urbain que les habous détiennent l’essentiel de leur patrimoine immobilier. Localement, les biens habous peuvent avoir une certaine importance notamment dans et autour des métropoles religieuses et culturelles (Tétouan, Larache, Meknès, Fès, Ouezzane etc.).
I.4 Les biens immobiliers domaniaux, une réserve foncière pour l’aménagement et le développement
- Les Biens Immobiliers Domaniaux[9] proviennent des terres du Makhzen. Avant l’arrivée de la colonisation, il n’y avait pas de distinction entre le domaine de l’Etat et le domaine privé du souverain, distinction qui fut établie en 1912. Le domaine de l’Etat ainsi redéfini comprend le Domaine public (routes, rivages de la mer, ports etc.), géré par le Ministère de l’Equipement ; privé (terrains nus ou bâtis domaniaux non publics et faisant l’objet d’ajouts par acquisition, expropriation, confiscation etc.) géré par la Direction des Domaines du Ministère des Finances; et forestier (forêts, dunes, etc.) géré par le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts.
- Le domaine privé de l’Etat est constitué de biens cessibles pour l’aménagement urbain, le développement touristique, ou de développement industriel (pour la création de zones industrielles ou de parcelles à vocation industrielle). Le domaine privé agricole procure des terres pour la réalisation d’activités agricoles d’intérêt général par le biais de sociétés d’Etat (SOGETA, pour la sauvegarde et multiplication de matériel génétique, SODEA développement de technologies pour la diversification agricole). Il a aussi servi par le passé d’instrument majeur de politique agraire. Une grande partie des biens récupérés par l’Etat auprès des européens au moment de l’indépendance (quelques 1.000.000 ha) a été versée dans ce statut. Le reste a été soit acheté par des marocains, créant ainsi un secteur national de grandes et moyennes entreprises, notamment agricoles, soit transféré à des sociétés d’Etat.
I.5 Les lots de la réforme agraire : un secteur en transition du statut domanial
- Les lots de la Réforme Agraire sont issus des distributions de terres de l’Etat, récupérées pour la plupart au moment de la colonisation, au profit des petits paysans et ouvriers sans terre. Ces distributions, avec l’obligation pour les attributaires d'adhérer à des coopératives de la réforme agraire, sont toutefois restées modestes. Depuis 1969, seuls 320.000ha soit 1.5% de la superficie agricole utile (SAU) ont été distribués au bénéfice de 22.000 personnes.
- Les lots ont été cédés à titre de vente à crédit, remboursable sur 20 ans à 4% de taux d’intérêt, par acte de vente visé par le Ministre des Finances, le Ministre de l’Agriculture et le Ministre de l’Intérieur. Les attributaires recoivent gratuitement un titre de propriété libre de toute charge. Cependant, à ce jour, il reste encore 25% des attributaires qui n’ont pas reçu de titre du fait que la situation juridique des lots n’avait pas toujours été assainie avant leur attribution, et du fait également de la lourdeur et de la lenteur des procédures qui demandent l’implication de multiples intervenants.
- Cependant, même avec un titre de propriété, ces lots ne sont pas des terres melk de plein droit. La différence réside dans le droit successoral particulier appliqué à ces terres et l'interdiction de vente, de cession, de location ou d'hypothèque au profit d'un tiers (y compris les organismes de crédit). De plus, les propriétaires ont interdiction d’exercer une activité salariée, et d’utiliser la main d’œuvre salariée, autre que familiale. Ces règles, très contraignantes n’ont pas toujours été respectées. Depuis 2006, ces obligations sont levées pour les bénéficiaires qui se sont acquis de l’ensemble des paiements relatifs à leur lot et ont remboursé les crédits obtenus auprès de la coopérative auquel ils adhèrent[10] .
I.6 Le melk, statut de pleine propriété privée, connait une forte expansion
- Dans le melk, le droit éminent de propriété et le droit de jouissance sont entre les mêmes mains. Ce droit de pleine propriété privative n’est pas nécessairement individuel ; au contraire, elle est souvent une propriété familiale, appartenant à plusieurs héritiers. Le melk se développa progressivement au Maroc avec l’établissement de colons arabes[11] à partir de la conquête musulmane (seuls autorisés à posséder la terre en pleine propriété), et s’est développé essentiellement par la transmission successorale et la possession. Pendant le Protectorat, la législation a introduit le droit de propriété selon le Code Civil français (par le biais de l’immatriculation) afin de développer un statut favorable à la libre entreprise. De larges possibilités furent alors offertes aux Européens pour acquérir des biens fonciers sur les terres collectives. Dans le même temps, une partie importante des terres de tribu passait sous statut melk aux mains de propriétaires marocains. De même, de nouvelles formes urbaines de lotissement voyaient le jour marginalisant ainsi les médinas. En conséquence de quoi, ce statut, qui était très peu important avant 1912, représentait déjà à la fin du Protectorat, plus des 2/3 des terres cultivées. Elles regroupent aujourd’hui 75,8% de la superficie agricole utile et 84% des exploitants[12] , c’est dire l’ampleur des transformations sociales depuis un siècle.
- Le statut melk offre le plus d’avantages pour la mise en valeur agricole, car il donne un droit de propriété stable sur la terre, et permet mutations, location et même hypothèques sous la forme immatriculée du melk. Il offre donc, en théorie, la liberté d’entreprendre, d’investir, de monnayer son capital pour d’autres activités jugées plus lucratives, et de transférer à d’autres l’opportunité de mettre en valeur la terre ainsi dégagée. En principe donc le statut melk est bien adapté aux impératifs du développement économique. Cependant, en pratique il souffre de bien des difficultés, dues aux situations d’indivision (voir Chapitre II ci-dessous), aux incertitudes liées à des droits de propriété encore mal définis (voir Chapitre III ci-dessous), et à la concurrence inéquitable des citadins fortunés pour cette forme d’épargne.
- La superficie agricole utile s’est accrue (Tableau 2) entre 1973 et 1996. La part du melk dans la SAU s’est également accrue, passant de 5.374.000 ha (soit 74.3% de la SAU) en 1973 à 6.618.000 ha (soit 75.8% de la SAU en 1996) au détriment des autres statuts qui ont vu leur part diminuer.
Tableau 2 : Evolution de la répartition des statuts fonciers en ha et pourcentage de la superficie agricole utile (SAU)
Statut |
1973 |
1996 |
||
Ha |
% SAU |
Ha |
%SAU |
|
Collectif |
1.009.900 |
14.0% |
1.534.654 |
17.6% |
Melk |
5.374.000 |
74.3% |
6.608.966 |
75.8% |
Guich |
319.200 |
4.4% |
240.441 |
2.8% |
Habous |
83.700 |
1.2% |
58.843 |
0.7% |
Domanial |
445.000 |
6.1% |
270.001 |
3.1% |
Total SAU |
7.231.400 |
|
8.712.905 |
100% |
Source : Atelier sur la Politique Foncière, juin 2000, d’après le RGA de 1996
I.7 Intérêt sociologique de la diversité des statuts juridiques
- Si au fil du temps l’espace foncier marocain s’est structuré par des statuts fonciers multiples, entraînant une complexité juridique certaine, cette diversité n’a pas été sans avantage sociologique. Il est sans doute heureux qu’au moment du Protectorat, « la solution unique de main mise de l’Etat sur toutes les terres du royaume ait été écartée, évitant ainsi les prélèvements excessifs de terres collectives indigènes ou une évolution trop rapide vers la propriété privée et le marché libre de la terre avec ses risques d’expropriation brutale de la paysannerie[13] ». Certes les prélèvements au bénéfice des colons ont été conséquents et souvent centrés sur les meilleures terres (environ 1 million d’hectares en 1955), mais n’ont pas atteint l’ampleur de ceux de la colonisation en Algérie par exemple.
- La législation a ainsi permis, en partie, la préservation des droits des tribus sur leur patrimoine en évitant leur cession à des prix dérisoires. Ainsi, le statut de terres collectives, introduit en 1919, contribua à protéger en partie les tribus en rendant leurs terres inaliénables, insaisissables et imprescriptibles. Grâce à cela, les communautés ethniques possèdent encore une part non négligeable de la superficie agricole, ce qui a permis de contenir l’exode et de maintenir à la campagne des populations pour lesquelles l’agriculture et la ruralité gardent un sens. Dans la transition difficile que va connaître le monde rural la qualité de l’enracinement de ses habitants va lui permettre de mieux supporter le choc des mutations à venir. C’est un atout qu’il importe de préserver.
- Néanmoins, s’il reste nécessaire de contenir les déstructurations de la ruralité traditionnelle, il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, les nombreuses contraintes limitant les droits de propriété et la mise sous tutelle de l’Etat d’un pourcentage important des terres, sont perçues par beaucoup comme un obstacle à l’investissement et a l’accroissement de la productivité. Toute réforme future visera sans nul doute à lever ces barrières mais elle devra aussi s’attacher à ne pas perdre les acquis sociaux en protégeant les droits des plus faibles face à un marché foncier plus ouvert.
I.8 La Réforme en cours des statuts et de la réglementation
- Les réformes en cours consistent pour une grande partie à démanteler les dispositions volontaristes adoptées par le Gouvernement dans les premières années après l’Indépendance. Cette réforme est en gestation depuis plus d’une décennie au ministère de l’Agriculture au sein duquel la Direction des Aménagements fonciers (DAF) mène une active réflexion dont témoigne le remarquable Atelier sur la politique foncière (29-30 juin 2000). Cette nouvelle orientation de la politique agraire accompagne le changement qui affecte la politique agro économique : ralentissement de l’effort en matière de grande irrigation et réorientation en faveur de zones à priori de moindre potentiel comme le bour (Périmètre de mise en valeur du bour, PMVB) et le pastoral. A la période de mobilisation intensive et à grande échelle de l’eau succède celle de sa préservation mais aussi de la préservation de la ressource en terre (défense et restauration des sols, épierrage) et en pâturages (aménagements pastoraux).
- Dans le domaine foncier stricto sensu le Ministère de l’Agriculture, à travers sa Direction des Aménagements fonciers (DAF)[14] propose une réforme selon quatre grands piliers :
- Sécurisation du droit de propriété, des transactions et de l’exploitation ;
- Levée des entraves à la mobilité et à l’accès au foncier ;
- Unification des régimes fonciers ;
- Promotion de l’agriculture de groupe.
- L’objectif général de cette étude est de rechercher l’orientation de la politique foncière la plus favorable à la croissance. Dans cet objectif, il faut à la fois sécuriser les terres, par la voie de l’immatriculation (ou de la délimitation pour les grands espaces), et lever les obstacles aux transactions foncières. Cette orientation du foncier pour la croissance est clairement en phase avec la réforme proposée par la DAF, et repose sur les deux premiers grands piliers :
- Accroître la mobilité des biens fonciers en faisant reculer les rigidités multiples, statutaires et structurelles, qui les paralysent. L’hypothèse sous- jacente à cette orientation est qu’un marché foncier dynamique permet d’allouer les terres vers ceux qui les valorisent au mieux pour la croissance économique. Cette fluidité est donc nécessaire pour que les meilleures terres soient accessibles aux agriculteurs les plus performants.
- Sécuriser les biens fonciers en améliorant les procédures de reconnaissance, d’enregistrement et de protection des droits sur la terre. L’hypothèse justifiant cette orientation étant que la sécurisation foncière est une condition fondamentale de l’investissement. Elle peut d’ailleurs aussi contribuer à fluidifier le marché foncier.
- Les deux autres piliers, à savoir l’unification des régimes fonciers vers le melk ou pleine propriété privée, et la promotion de l’agriculture de groupe sont en fait des moyens d’accroître les incitations à l’investissement et la fluidité des biens.
Réforme des statuts qui restreignent la mobilité de la terre
- Les statuts, qui maintiennent la propriété sous contrôle et la privent de toute mobilité, représentent au niveau national 25% de la SAU. L’objectif des réformes en cours, proposées par le Ministère de l’Agriculture, Direction de Aménagements fonciers, est de réduire la part de ces statuts par un ensemble de textes, dont les plus importants sont rappelés ici :
- Un projet de loi sur les terres collectives de culture, actuellement à l’étude à la Direction des Affaires Rurales. Ce projet de loi propose de modifier le Dahir du 25 juillet 1969 afin de légaliser les privatisations de fait par les ayants-droits, d’encourager l’investissement et de lever les obstacles aux transactions foncières. Celui-ci prévoit la reconnaissance légale de la privatisation de facto des terres collectives de culture par les ayants-droit. La mise en œuvre de cette loi sera d’application difficile et ne pourra se faire qu’avec la participation pleine et entière des collectivités concernées. Il faut en effet s’attendre à des complications, car l’individualisation de fait ne concerne que le simple usage des terres. Dès que la question se pose en terme de propriété et qu’il s’agit de dresser une liste des futurs propriétaires dans l’indivision de la terre collective, chaque ayant-droit légal revendique sans aucune concession la totalité de ce droit dont il avait volontiers abandonné la jouissance[15].
- Ce même projet de loi prévoit de maintenir le statut collectif pour les terres de parcours, compte tenu des spécificités de la gestion pastorale.
- La DAF a également formulé un projet de loi pour les terres guich avec le même objectif: « Le droit éminent de l’Etat sera conféré gratuitement et à titre privatif aux exploitants réguliers de parcelles de terrain agricoles »
- Afin de légaliser les partages de fait des terres melk dans les périmètres irrigués et les périmètres de mise en valeur bour, en contravention avec la loi 34-94, la DAF a formulé un projet de loi visant à lever les restrictions au morcellement et organiser les propriétés en indivision. La proposition de loi sur l’indivision prévoit entre autres la constitution de groupements fonciers indivisaires (GFI) qui deviennent propriétaires à part entière des terrains indivis, permettant de ce fait la libre disposition de ces terres par voie de cession ou de location à long terme.
- LA DAF a enfin élaboré un projet de loi pour le melk, plus général visant à autoriser l’achat de terres rurales par des personnes physiques étrangères, et les personnes morales, levant ainsi l’interdiction de vente aux étrangers qui avait été mise en place après l’indépendance.
- En ce qui concerne les lots de réforme agraire, les Autorités marocaines ont en janvier 2005 modifié la législation sur proposition d’une commission interministèrielle comprenant les Ministères de l’Economie et des Finances, de l’Agriculture et de l’Intérieur), afin de lever les interdictions et obligations des attributaires (Loi 05-01).
- Le tableau suivant résume les principales réformes des statuts engagées par le Gouvernement marocain récemment.
Les principales réformes juridiques engagées par l’Etat marocain sur les statuts fonciers
Catégorie |
Texte de loi initial |
Problématique |
Réforme du Cadre Législatif |
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Disposition clé |
Texte y afférent |
Institution responsable |
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Terres Collectives |
Dahir du 27 avril 1919 |
Reconnaissance légale de l’individualisation de fait des terres de culture. |
« les terres de culture sont considérées comme appartenant à titre privatif» aux ayants droit |
Projet de loi relative aux terres collectives de culture situées à l’extérieur des périmètres urbains |
Ministère de l’Intérieur |
Exceptions au caractère inaliénable des terres collectives |
« les terres collectives peuvent faire l’objet de location… » « les terres collectives situées à l’intérieur des communes urbaines…peuvent …faire l’objet de cessions » |
Projet de loi organisant la tutelle administrative des collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs » |
Ministère de l’Intérieur |
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Terres guich (non concédées) |
Aucun |
Reconnaissance légale de l’individualisation de fait des terres de culture. |
« Le droit éminent de l’Etat sera conféré gratuitement et à titre privatif aux exploitants réguliers de parcelles de terrain agricoles » |
Projet de loi relatif aux terres agricoles ou à vocation agricole guich non concédés |
Ministères de l’Intérieur, et de l’Economie et des Finances |
Lots de réforme agraire |
Dahir du 29 décembre 1972 |
Elimination des contraintes relatives à la conduite de l’exploitation et à sa disposition. Héritage maintenant autorisé mais à un seul héritier. |
« Les interdictions et obligations cessent d’être applicables aux attributaires après paiement intégral des lots … » |
Loi 05-01 modifiant le Dahir 29 déc 1972 relatif à l’attribution de terres du domaine privé de l’Etat. Publiée en janvier 2005, Décret d’application émis août 2006 |
Ministères de l’Economie et des Finances ; de l’Agriculture et des Pêches maritimes ; et de l’Intérieur |
Les principales réformes juridiques engagées par l’Etat marocain sur les statuts fonciers (suite)
Catégorie |
Texte De loi Initial |
Problématique |
Réforme du Cadre Législatif |
||
Disposition clé |
Texte y afférent |
Institution responsable |
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Lots de réforme agraire pré- 1966 |
Dahir du 9 juillet 1966 |
Attribution définitive des lots agricoles ou à vocation agricole relevant du domaine privé. |
Prix de cession fixé à son cours au moment de l’attribution (majoré de 50% pour les acquéreurs et 100% pour les exploitants) |
Loi No 05.01 relative à la cession de lots agricoles ou à vocation agricole relevant du domaine privé Publiée en janvier 2005, Décret d’application émis en août 2006 |
Ministères de l’Economie et des Finances ; de l’Agriculture et des Pêches maritimes ; et de l’Intérieur. |
Terres melk et autres terres en voie de « melkisation » |
-Contrôle des opérations immobilières (1963) - Dahir du 24 avril 1975 -Loi 34-94 sur le morcellement |
-Levée des restrictions au droit de propriété. -Eliminer le concept de taille minimum d’exploitation dans les périmètres d’irrigation et mise en valeurbour -Incitation à la sortie de l’indivision par la gestion sociétaire de l’indivision |
- Levée des interdictions d’acquisition de propriétés agricoles par les étrangers -Abrogation de la limitation du morcellement - Levée des restrictions à la vente, au morcellement - Accès au crédit pour acheter part de co- indivisaires - Création des groupements fonciers indivisaires (GFI) et incitations |
Projet de loi portant révision de certaines dispositions relatives à l’acquisition de propriétés agricoles et au contrôle des opérations immobilières. Projets de loi relatif à la sortie et la liquidation des propriétés dans l’indivision et morcellement des propriétés agricoles |
Ministère de l’Agriculture et des Pêches maritimes |
- Au Maroc le régime traditionnel de droit musulman perdure au côté du régime moderne de l’immatriculation. Ce dernier a été introduit par le Protectorat pour donner une base juridique solide à la propriété coloniale (Dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculation des immeubles et Dahir du 2 juin 1915 fixant la législation applicable aux immeubles immatriculés). Bien que les immatriculations se soient poursuivies depuis 90 ans, ce régime ne couvre qu’une fraction du territoire national (environ 30% seulement des propriétés seraient immatriculées). Bien introduit dans les villes, il est resté hors de portée de la grande majorité des propriétaires agricoles. Le régime de droit musulman conserve donc toute son importance dans les zones rurales.
- La détermination du droit applicable aux immeubles en cours d’immatriculation ou déjà immatriculés, pose de redoutables problèmes. L’art 106 du Dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculation des immeubles dispose que « sauf codification à intervenir les dispositions du droit musulman qui ne sont pas contraires au présent Dahir (…) s’appliquent aux immeubles immatriculés ». Or la codification prévue est intervenue deux ans plus tard, sous la forme du Dahir du 2 juin 1915 formant code foncier de la propriété immatriculée qui régit donc désormais les immeubles immatriculés. Il en résulte que ces immeubles échappent à la compétence du droit musulman. Cette interprétation confirmée par une décision judiciaire post indépendance (Arrêt de 12 mars 1958 de la Cour de Cassation) est cohérente avec l’esprit du régime de l’immatriculation. En effet, le droit musulman admet les prescriptions acquisitives et extinctives qui permettent par exemple d’acquérir un droit sur la terre après une occupation de 30 ans ou au contraire de perdre ce droit par défaut d’occupation de 30 ans. Ces droits sont totalement incompatibles avec le caractère inattaquable dans le temps du titre foncier.
- Le melk non immatriculé a toujours été depuis le début du XXème siècle apprécié par comparaison avec la propriété immatriculée. Il n’est guère surprenant que les experts coloniaux l’aient considéré comme comportant de forts handicaps dans une perspective de mise en valeur intensive.
Le melk non immatriculé vu par un expert colonial en 1946 En 1912, nous avons trouvé au Maroc une situation immobilière extrêmement confuse. Si le statut des terres collectives, des biens domaniaux et des habous demandait à être fixé, la propriété melk était encore plus incertaine. Avant 1914, l’établissement des titres de propriété n’avait pas été entouré de garanties suffisantes. Des actes faux avaient été fabriqués en grand nombre. Dans les titres authentiques, les limites étaient le plus souvent imprécises de sorte qu’il était difficile déterminer à quel terrain ils s’appliquaient. Souvent plusieurs individus n’ayant aucun lien de droit ni de parenté entre eux, détenaient chacun une moulkiya lui attribuant la propriété d’un même domaine d’une même parcelle. D’autres fois, le même propriétaire, souvent un individu qui n’avait ni droit ni détention actuelle, vendait un même terrain successivement à plusieurs acheteurs, lesquels, évidemment entraient en conflits lorsqu’ils voulaient prendre possession, s’ils ne trouvaient pas sur le terrain un tiers occupant qui en jouissait depuis plusieurs années. C’est ainsi que dans la zone suburbaine d’Agadir, les mêmes terrains ont été vendus jusqu’à 7 fois en 1912 par des aigrefins qui n’avaient aucun droit. Les acquéreurs, spéculateurs européens ou juifs, achetaient sur titre sans avoir, au préalable, visités les terrains qui leur étaient vendus. En outre, l’état d’indivision familiale, dans lequel se trouvent le plus souvent les musulmans, ajoutait une complication supplémentaire à cette situation. Des ventes étaient souvent consenties de la totalité d’immeubles, et sans employer la modalité de la safqa, par des individus qui n’étaient titulaires que d’une part indivise.
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Source : P. Roche. Centre des hautes études d’administration musulmane. Paris 1er juin 1946 |
- Malgré les limites indiquées plus haut, la dualité des systèmes d’administration des droits immobiliers est une richesse, car elle correspond à une réalité socio-économique. Elle est le reflet d’une société et d’une économie duales, avec d’un côté une population largement ancrée dans la vie moderne et de l’autre une population qui reste attachée aux traditions ; ainsi, une économie capitaliste de marché présente dans l’industrie, le tourisme, une grande partie de l’habitat urbain ainsi que les grandes et moyennes exploitations agricoles, coexiste avec un secteur traditionnel qui perdure dans l’artisanat, l’habitat périurbain et les petites exploitations rurales. Il est sans aucun doute souhaitable de mettre en place des politiques foncières visant à promouvoir le passage vers le système d’administration « moderne » des droits, mais il faut reconnaitre que ce passage sera lent et ne saurait se faire de façon optimale sans tirer parti des forces du système traditionnel. Le système traditionnel peut être amélioré et favoriser ainsi le passage vers le système moderne (précision de la localisation, de la contenance des immeubles concernés, enregistrement et miseà jour régulière auprès des autorités concernées). Ces améliorations figurent dans le projet de loi sur les droits réels immobiliers, proposé par le Ministère de la Justice, qui a l’avantage d’unifier et de codifier les dispositions concernant les questions foncières (voir Volume II).
II.1 Le régime traditionnel issu du droit musulman
Le melk non immatriculé
Un immeuble melk est celui qui fait l’objet de la pleine propriété privative, individuelle ou familiale.
Le droit applicable à ces immeubles est, pour la plus grande partie, le droit musulman de rite malékite, tel du moins que les cadis du Maroc l’ont appliqué. C’est un droit non codifié.
Le fondement juridique du droit de propriété des immeubles melk est le fait de la possession paisible, publique, à titre de propriétaire, non interrompue pendant 10 ans à l’égard des tiers et 40 ans à l’encontre des parents ou copropriétaires.
La preuve de la possession (essentielle car à l’origine de presque toutes les contestations et litiges) est constituée par l’acte adoulaire, dit moulkiya, par lequel deux adoul ou le plus souvent 12 témoins ordinaires, affirment le fait de la possession régulière. Cet acte, après récolement des témoignages, est avéré et homologué par le cadi. Il contient les indications concernant la localisation, la superficie et les limites de l’immeuble tels qu’ils sont attestés par les témoignages.
La propriété melk peut être transférée soit par acte adoulaire, soit par acte sous seing privé enregistré soit par acte passé devant un notaire moderne pour un immeuble en cours d’immatriculation, c'est-à-dire juste après le dépôt de réquisition.
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Source : Paul Delcroux. « Droit foncier marocain » Rabat 1972. Mohammed Jalal Essaid « Introduction à l’étude du droit » Rabat 1992. |
- Du point de vue du droit, la différence entre les deux systèmes traditionnel et moderne tient au fait qu’en droit musulman le fondement de la propriété est la possession[16] (ou l’occupation sans contestation) ; alors qu’en droit « moderne » de l’immatriculation, le titre est définitif et non opposable. Pour que la possession fasse droit de propriété, il faut qu’elle soit paisible, de notoriété publique et attestée par le milieu social du possesseur, en qualité apparente de propriétaire et de manière ininterrompue depuis 10 ans (40 ans si les propriétaires d’origine sont de la famille).
- L’acte de propriété traditionnel (moulkiya) est établi par les notaires de droit musulman ou adoul (singulier adel), authentifié par le juge de l’authentification des actes (cadi taoutik), et enregistré dans le Registre de la propriété tenu au Tribunal de Première Instance, selon une procédure décrite plus loin (ref. …). Dans la pratique, les affaires de propriété sont avant tout considérées comme les affaires des parties elles-mêmes qui font appel aux adoul, ou aux écrivains publics pour établir leur certificat de propriété (moulkiya) et leur contrat de vente.
- Ainsi, pour prouver son droit de propriété sur un bien non immatriculé, il faut être en mesure de présenter une « moulkiya » ou un acte de vente. A défaut, on peut présenter douze témoins qui déclarent devant deux adoul que la personne possède le bien depuis plus de dix années. Fondée sur l’observation de la possession, la moulkiya dépend donc du témoignage comme mode de preuve. Néanmoins, cette voie n’est socialement praticable qu’à certaines conditions qui tendent à disparaître avec l’ouverture de la société :
- Les opérations foncières sont rares et limitées à un milieu très local où la situation des droits de chacun est connue de tous.
- La valeur des témoignages est garantie par des institutions (cadi, adoul) dont la probité, directement liée à la morale religieuse, est reconnue par la société.
- Un enregistrement centralisé des actes dans un registre officiel, coté et paraphé, dans lequel les inscriptions obligatoires sont soumises à des règles strictes et facilement accessibles au grand public. Cette procédure permet le contrôle par la publicité de la véracité des actes et limite le risque d’inscriptions de droits de requérants différents sur la même parcelle.
- Contrairement au titre de propriété immatriculée, la moulkiya ne prouve pas la propriété irréfutable du bien. Néanmoins, avant l’introduction du titre foncier, la moulkiya offrait une sécurisation réelle. Elle présente encore des avantages certains. Préparés par les adoul, présents sur tout le territoire, elle est bien comprise des populations rurales, elle est aussi d’accès aisé, et son coût est faible. Avec les nouvelles dispositions du projet de loi sur les drotis réels immobiliers, la moulkiya offrira une sécurisation meilleure par rapport à la situation actuelle.
II.2 Le régime moderne de l’immatriculation
- Le régime moderne de l’immatriculation foncière a été introduit par Décret Royal en 1913 (Dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculation des immeubles) mais il n’a pu être appliqué qu’après le Dahir du 2 juin 1915 fixant la législation applicable aux immeubles immatriculés et la création de la première Conservation foncière en 1915 également. A l’époque du Protectorat, le pays était divisé entre Zone Sud française et Zone Nord sous l’emprise de l’Espagne. Dans la Zone Nord, l’enregistrement de la propriété était régi par le Dahir Khalifien du 14 juin 1914 instituant dans les territoires soumis au protectorat espagnol un « enregistrement des actes de moulkiya et l’établissement de titres par le Servicio de la Propiedad ». Dans ce régime, le secrétariat du greffe, le « Registrador », faisait office de conservateur de la propriété foncière, mais, à la différence de l’immatriculation, ne prévoyait pas de topographie, et offrait donc une procédure moins complète que l’immatriculation. Les titres « registradores » ressemblent à la « moulkiya », acte adoulaire qui présume la propriété mais ne donne pas un droit de propriété définitif et incontestable. Le régime de 1913 a été étendu à la zone Nord par le décret Royal du 24 octobre 1966 « rendant applicable dans l’ancienne zone de protectorat espagnol le régime de l’immatriculation en vigueur en Zone Sud et instituant une procédure spéciale d’abornement des immeubles ayant fait l’objet de titres fonciers.
- L’immatriculation est un mode d’enregistrement et de publicité des droits qui peuvent eux-mêmes être variés. Ce régime se superpose donc aux statuts juridiques. Ainsi, les terres collectives et habous tout comme le melk et les terres du domaine privé peuvent être immatriculées. De fait, l’immatriculation n’est pas contraire au droit coutumier ou au droit musulman.
- Cette opération d’immatriculation menée par le conservateur de la propriété foncière consiste à inscrire sur des registres spéciaux, appelés « livres fonciers », chaque immeuble/parcelle sous un numéro d’ordre unique, avec des déterminations topographiques et juridiques propres à préciser exactement et définitivement le droit de son propriétaire. L’inscription fait suite à un double processus :
- la délimitation précise de l’immeuble sur le terrain et sa restitution sur des mappes cadastrales, qui confèrent aux limites du terrain (ou de l’immeuble) et à sa contenance une valeur juridique (cadastre juridique) ;
- la purge (ou apurement des droits) visant à donner à la propriété un point de départ précis et à le débarrasser de tous droits réels ou charges foncières antérieures à l’immatriculation.
- Dérivé du système Torrens, qui a fait ses preuves dans de nombreux pays[17], l’immatriculation délivre un titre foncier définitif et inattaquable. L’immatriculation ne procure donc pas seulement un titre de propriété, mais il assainit ce titre. En conséquence, tout acheteur potentiel d’un bien immobilier peut consulter le livre foncier et s’y fier totalement, sans risque de contestation ultérieure du titre qu’il acquiert. Et s’il arrive que les droits de l’un des opposants à l’immatriculation aient été gravement lésés par la décision d’immatriculation, et que cette injustice ait été reconnue, il n’a aucun droit à la restauration de ses droits sur le bien immobilier mais seulement à des dommages et intérêts.
- La publication au livre foncier des droits réels constitués sur les immeubles postérieurs à leur immatriculation est assurée par la formalité de l’inscription. Mais cette mise à jour du titre pour l’inscription quand il y a modification des droits réels (vente, héritage, découpage etc.) n’est pas toujours faite bien qu’elle soit obligatoire (Art 65 du Dahir du 12 août 1913). Ce problème est aigu en milieu rural (40% des titres ne seraient pas à jour). Les retards dans les mises à jours ne sont donc pas liés au silence de la loi mais à l’insuffisance de son application.[18] Le Dahir du 12 août 1913 fait actuellement l’objet d’un projet de loi le modifiant et le complétant.
- Une fois une terre immatriculée, ayant donc reçu un titre foncier, et dont les droits ont été assainis), elle peut à son tour être morcelée, donnant ainsi lieu à de nouveaux titres fonciers à bien moindre coût que le processus initial de purge. Ce morcellement est fréquent en zones urbaines dû aux lotissements, immeubles d’appartements multiples etc.
II.3 La variabilité du mode de preuve
- Le transfert du droit de propriété lors d’une transaction foncière est établi par acte, qui constitue dès lors le mode de preuve de ce transfert. Ces actes sont établis par les adoul (présents partout) ou par les notaires (moins présents). Les notaires ne peuvent établir des actes que pour les propriétés immatriculées, alors que les adoul peuvent les établir tant pour les biens immatriculés que non immatriculés. Dans le régime traditionnel cet acte (de vente, de succession etc.) est enregistré au Tribunal d’Instance. Dans le système moderne, il est inscrit à la Conservation Foncière et un nouveau titre est établi.
- Dans la législation marocaine, il existe deux types d’actes : l’acte authentique (adoulaire ou notarial établi par des professionnels assermentés) ; et l’acte sous seing privé établi par les parties elles mêmes (ou le plus souvent par l’intermédiaire de l’écrivain public) et pour lesquels seule l’authentification des signatures par un officier public de la commune est exigé. Ainsi la Conservation Foncière estimait en 2005 que les actes qui lui étaient présentés étaient pour 85% des actes adoulaires, pour 10% des actes sous seing privé et pour 5% des actes notariés[19]. Ces actes de nature diverse ne respectaient pas toujours la légalité dans la forme et dans le fond. Il en résultait des difficultés ultérieurement lors de la transmission de l’acte à la CF pour immatriculation ou inscription, et le rejet de nombreux actes adoulaires. Pour cette raison, le Ministère de la Justice a récemment adopté une réglementation plus stricte des professions d’adoul et d’écrivain public (les nouveaux adoul sont désormais au moins licenciés en droit), et le projet de Code sur les Droits Réels prévoit le recours obligatoire à l’acte authentique.
- La multiplicité des statuts, à laquelle se superpose la diversité des types de terrain (urbain, rural, industriel, etc.) et la dualité du système de sécurité foncière, font qu’un grand nombre d’intervenants et d’institutions se partagent, et souvent se superposent, dans l’administration et la gestion du foncier au Maroc.
- En général, le patrimoine foncier est géré par l’Etat à des fins multiples : définir la politique d’utilisation et d’aménagement des terres, assurer la sécurité de l’occupation, faciliter aussi bien les transactions immobilières, que l‘aménagement territorial et la collecte des taxes foncières, protéger l’environnement, gérer son propre domaine etc. En plus de ces fonctions classiques, comme il a été souligné ci-dessus, l’Etat marocain intervient aussi pour superviser et contrôler l’utilisation de terrains sous statuts particuliers et assujettis à des restrictions dans leurs droits de propriété et d’usage. Cet ensemble de fonctions donne naturellement lieu à de très nombreux intervenants sur la question foncière, dont les plus importants en ce qui concerne la propriété foncière sont brièvement rappelés ci-dessous.
III.1 Organismes en charge de la définition des politiques foncières
- En Zones Rurales, c’est la Direction des Aménagements Fonciers (DAF) qui définit la politique et les réformes foncières. La même Direction est en charge de l’aménagement foncier agricole, notamment le remembrement et la mise en valeur de périmètres agricoles en zones bour (pluvial). La DAF exploite les résultats du Recensement Général Agricole (RGA) et fournit des statistiques précieuses sur la situation des exploitations et du parcellaire. Depuis une décennie, la DAF mène une active réflexion sur la nécessaire réforme foncière au Maroc, dont témoigne l’Atelier sur la Politique Foncière (29-30 juin 2000), atelier dont les analyses et conclusions ont été concrétisées au travers de projets de loi, adoptés ou en cours d’étude.
- Concernant le foncier industriel, les responsabilités dans la planification, l’aménagement, la commercialisation et la gestion, sont partagées entre plusieurs organismes étatiques, avec un rôle limité pour le secteur privé (voir Volume IV de cette étude) : Domaine National, Ministère de l’Intérieur, Centres Régionaux de l’Investissement, Ministère du Commerce, de l’Industrie et de la mise à Niveau de l’Economie, Gouvernorats, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, etc.
II.2 Gestion du domaine de l’Etat
- Le domaine public de l’Etat (routes, ports, rivages etc.) est placé sous le contrôle et la gestion du Ministère de l’Equipement. Il est imprescriptible et inaliénable, mais peut être déclassé en domaine privé.
- Le domaine privé de l’Etat hors domaine forestier est géré par la Direction des Domaines du Ministère de l’Economie et des Finances et par des Sociétés d’Etat pour les terres agricoles (SODEA, SOGETA). La Direction maintient un inventaire informatisé de son domaine, comprenant aujourd’hui 36 000 immeubles pour une superficie de 730,000 ha (622.480 ha seulement, une fois enlevées les terres guich). 58% des terrains ont été immatriculés, 33% sont en cours d’immatriculation, les 9% restants ne font l’objet d’aucune procédure. Jusqu’à présent, l’utilisation de ces terres par location éait difficile du fait que la durée –courte- de location autorisée ne permettait pas aux locataires d’entreprendre des investissements importants. Cette lacune vient d’être corrigée par la promulgation d’une circulaire du Premier Ministre qui autorise des locations de terrains domaniaux de longue durée et des programmes de partenariat public- privé sur les terrains gérés par la SODEA et la SOGETA pour des durées qui peuvent aller jusqu’à 40 ans.
- Bien évidemment, les terrains privés de l’Etat ne constituent qu’une faible part des espaces nécessaires au développement des villes et des activités économiques. Aussi la Direction des Domaines s’applique à élargir le domaine privé par des acquisitions et expropriations (787 immeubles pour 516 ha ont été acquis en 2004). En parallèle, elle réalise des ventes au profit des secteurs industriels et touristiques, et de l’habitat.
- Du point de vue des Domaines, la disponibilité en terres n’est pas un problème, mais bien plutôt l’extrême longueur des procédures d’acquisition, rendue d’autant plus complexe que la situation juridique des terrains à acquérir est souvent confuse. Ici comme ailleurs, l’urgence se fait sentir d’un assainissement juridique des droits de propriété.
- Le domaine forestier est géré par le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts, en charge de 9 million d’hectares dont à peine 10.000 seraient immatriculés. 82% de ce patrimoine est délimité, la délimitation constituant une étape qui favorise l’immatriculation.
III.3 Gestion des terres sous statuts particuliers
- Pour rappel, les terres sous statut autre que le melk (ou de plein droit privé) sont sous tutelle particulière : les trois Ministères (Economie et Finances, Intérieur, et Agriculture et Pêches maritimes) pour les lots de la Réforme Agraire ; le Ministère des Habous et Affaires Islamiques pour les terrains et immeubles habous ; et le Ministère de l’Intérieur pour les terres collectives qui occupent, on l’a vu, des superficies immenses, la réserve foncière collective étant estimée à 12 millions ha.
- L’objet essentiel de la Direction des Affaires Rurales du Ministère de l’Intérieur est aujourd’hui de permettre aux exploitants ou propriétaires de fait des terres collectives de mieux valoriser leurs terres, et non plus seulement d’appliquer des règles obsolètes. En effet, l’existence de nombreux conflits (voir ci-dessous), le décalage entre le statut juridique collectif et la réalité de la propriété individualisée (en zones agricoles), a mis à jour la nécessité d’une part d’adapter la législation, d’autre part d’assainir la situation juridique de ces terres. D’où l’importance du projet de loi proposé par le Ministère de l’Agriculture sur la reconnaissance des prívatisation de fait par les ayants-droit sur les terres de culture.
III.4 Administration des droits de propriété
- Le système d’administration des droits de propriété
reflète la dualité du régime foncier marocain avec :
- une administration de Droit Musulman sous tutelle du Ministère de la Justice (concernant les biens non immatriculés, NI); et
- une administration de Droit Moderne : L’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC), sous la tutelle formelle du Ministère de l’agriculture, concernant les biens immatriculés.
a. L’administration de droit musulman
- Les tribunaux de première instance (TPI) se trouvent au cœur du dispositif de l’administration des droits fonciers musulmans. C’est à leur niveau que siègent les juges responsables de l’authentification des actes (cadi taoutik). En pratique les juges du TPI sont polyvalents : ils jugent aussi bien les affaires foncières que les autres affaires civiles. En plus d’exercer leurs fonctions judiciaires, ces juges peuvent être nommés juges de cadi taoutik. Cette nomination par décret du Ministre de la Justice se fait pour trois ans renouvelables.
- C’est également au niveau des TPI que sont tenus les divers Registres des actes, au nombre de quatre, dont le Registre de la propriété non immatriculée. Les actes de propriété (moulkiya) et les actes de vente (des biens non immatriculés), y sont intégralement recopiés par des greffiers qui sont des officiers publics assermentés.
- La moulkiya est établie par un adel ou notaire de droit musulman. Les adoul forment un corps de profession libérale, dont les compétences, les droits (y compris le barème des honoraires) et les devoirs sont réglementés par le Ministère de la Justice. Ils remplissent le rôle de témoin officiel et de greffe en matière notariale et exercent leur profession par deux. Ils sont nommés par le Ministère de la Justice et supervisés par la Cour d’appel. Les adoul sont assistés de copistes nommés par le Ministère de la Justice et rémunérés au forfait. Il y aurait environ 10.000 copistes en activité.
- Les adoul sont sous le contrôle direct des cadi taoutik, qui vérifient et visent leurs actes ainsi que les documents de procédure et les carnets adoulaires. Présents partout, ils sont environ 4,000[20] dans tout le pays (224 pour les quelques 650,000 habitants de la Province de Meknès par exemple). Traitant à la fois des affaires de biens et de famille, les adoul sont bien connus de la population. Se déplaçant chez leurs clients et remplissant nombre de formalités administratives pour leur compte, ils sont d’accès aisé. Ainsi le système judiciaire traditionnel très enraciné dans la société villageoise offre des solutions connues et accessibles à tous, et recourt à des règles familières inscrites dans une morale religieuse qui a un sens pour eux.
b. L’administration de droit moderne
- L’Agence Nationale de la Conservation Foncière du Cadastre et de la
Cartographie (ANCFCC), « l’Agence », est l’acteur clé du régime dit
de l’immatriculation. Elle est chargée de 3 missions principales, remplies par trois
Directions:
- La Conservation Foncière (CF), dont l’objet principal est de garantir le droit de propriété par la délivrance de titres de propriétés (procédure de l’ « immatriculation ») et leur mise à jour par l’inscription des actes (transaction, mutation, hypothèques etc.) sur les livres fonciers.
- Le Cadastre qui délimite la propriété foncière (sa superficie, ses coordonnées, sa situation géographique, etc.).
- La Cartographie qui poursuit et améliore la couverture cartographique du pays et la définition du référentiel géodésique.
- De par ses attributions, l’ANCFCC dispense des services à un grand nombre d’utilisateurs très diversifiés (grand public, nombreuses administrations intervenant dans le foncier, banques, avocats, collectivités locales etc.).
- La coexistence de ces trois métiers au sein d’une seule institution lui confère un avantage certain, car elle facilite la coordination du travail des équipes ainsi que l’intégration des systèmes d’information cartographique, juridique et cadastrale de la propriété. De plus, son statut d’agence décentralisée et déconcentrée lui donne l’autonomie souhaitée. Elle reste formellement sous la tutelle du Ministère de l’agriculture mais la composition de son Conseil d’Administration[21] , présidé par le Premier Ministre, reflète mieux son rôle central de service aux nombreux intervenants sur la question foncière.
- L’Agence est un organisme important de l’administration marocaine, avec plus de 4,500 employés, 70 Services Extérieurs de la Conservation Foncière, 60 Services Extérieurs du Cadastre, et un budget de fonctionnement autour de 450 millions de dirhams en 2006. Ses recettes, provenant des droits de la Conservation Foncière, dépassent largement son budget, ce qui permet à l’Agence, après investissements, de reverser chaque année des sommes importantes et croissantes au budget de l’Etat (700 millions de Dh en 2006)[22]. Ses recettes croissent rapidement et son potentiel financier et économique pour le pays est considérable.
- Jusqu’en 2005, l’Agence était loin de répondre à la demande de sécurisation foncière, et accusait un retard considérable, avec un stock toujours croissant de dossiers en instance d’immatriculation. Depuis lors, l’ANCFCC s’applique à accroître son efficacité, moderniser ses méthodes de travail et améliorer la qualité de ses services.
- Du point de vue de la protection des droits fonciers, les services clés de l’Agence sont la Conservation Foncière et le Cadastre Juridique[23].
- La Direction de la Conservation Foncière (CF) est chargée de la
partie juridique de l'immatriculation foncière. Elle :
- reçoit les réquisitions d'immatriculation ;
- procède aux formalités de publicité;
- reçoit les oppositions ;
- suit la procédure de purge des droits et décide l'immatriculation ;
- inscrit les actes sur le livre foncier ;
- porte les mentions sur le livre foncier;
- conserve les documents relatifs aux immeubles immatriculés ;
- met à la disposition du public l'information désirée.
- La Direction du Cadastre, et notamment le département du cadastre
Juridique, est chargée de la partie topographique et cadastrale. Ses attributions peuvent
être résumées comme suit :
- exécution des opérations nécessaires à l'immatriculation foncière, en particulier le bornage, le levé topographique et l'établissement des plans de propriétés foncières;
- contrôle, vérification et réception des travaux topographiques effectués par les entreprises privées dans le cadre des marchés de levés cadastraux ;
- triangulation de 3ème ordre et 4ème ordre;
- polygonation des villes;
- mises à jour et archivage des documents topographiques;
- la mise à la disposition du public l’information désirée.
- De fait, le Cadastre Juridique Marocain est un cadastre sporadique du fait que l’immatriculation foncière est généralement facultative. Il fait partie de la procédure de l'immatriculation (bornage et levé), et participe à la détermination juridique et physique de la propriété en produisant un Procès Verbal de bornage et un plan foncier de la propriété établi par un levé régulier (levé cadastral); ce levé permet la détermination numérique des coordonnées des bornes (avec une précision relative de 14 cm en milieu rural et 6 cm en milieu urbain) fixant les limites de la propriété. La totalité de la superficie immatriculée est couverte par ce Cadastre (soit 2.800.000 hectares).
- Il existe aussi un Département du Cadastre National qui gère un inventaire de données géographiques, économiques et sociales portant sur les propriétés, quel que soit leur statut foncier, et les propriétaires apparents, relatifs à une commune rurale[24]. Cet inventaire, a été réalisé entre 1973 et 1983 en vue de servir des objectifs d'aménagement du territoire, Il ne couvre guère que 1.600.000 hectares (114 communes soit moins de 10% des communes). Ce cadastre ne peut remplir ses missions fondamentales, s'il n'est pas généralisé et mis à jour sur l'ensemble du territoire national ou au moins les régions présentant une très forte activité économique (agricole, industrielle, touristique, …). Très incomplet, et sans procédure de mise à jour, il n’est plus aujourd’hui d’une grande utilité. L’accélération d’un cadastre multi-objectifs, avec pour base la cartographie numérique généralisée et la mise en oeuvre du cadastre juridique, par des opérations d’immatriculation d’ensemble, est une voie souhaitable et celle choisie par le Maroc.
IV.1 Origines de l’indivision
- L’indivision, ou co-propriété, caractérise essentiellement les propriétés de statut melk, qu’elles soient immatriculées ou non. Dans ce cas, le bien appartient à plusieurs copropriétaires, chacun ayant une part bien définie : la quote-part, qui s’exprime par une fraction de la propriété indivise. L’indivision peut résulter d’un achat conjoint, mais le plus souvent, elle résulte de la dévolution successorale.
- Les droits du propriétaire melk sont en effet limités par le régime de succession musulman (la moudawana) qui obéit aux dispositions de la chariaâ qui garantit la reconnaissance à tous les héritiers, hommes ou femmes, d’une quote-part sur les biens et classifie les quotes-parts selon le lien de parenté des héritiers. Si les parts revenant aux hommes sont supérieures à celles revenant aux héritières, ces dernières – épouse ou filles - ne peuvent pas être exclues et sont protégées par la loi. Malheureusement, le caractère patriarcal de la société traditionnelle fait que la coutume prime souvent sur le droit formel. Il est en effet encore de tradition dans de nombreuses régions (rurales en particulier) du Maroc, d’écarter les femmes ou filles de l’héritage des immeubles. Ces usages contraires à la chariaâ traduisent un attachement au fait que la terre doit rester entre les membres mâles de la famille et que la cohésion de cette dernière prime sur les droits de propriété individuels.
- Ce phénomène qui s’accumule d’une génération à une autre, est particulièrement marqué en zone rurale. 75% de la SAU y est de statut melk et même si ce dernier relève de la propriété privée et dispose donc d’une liberté formelle de transaction, la réalité est tout autre : l’indivision y étant répandue, la mobilité des actifs en est limitée, car le statut d’indivision empêche toute transaction formelle sur le bien, sans l’accord de l’ensemble des co-héritiers. Seules échappent à l’indivision les propriétés qui ont fait l’objet d’un achat individuel et dont l’acheteur est encore vivant ou celles qui ont été officiellement partagées entre les cohéritiers. Les partages formels sont rares dans les grandes propriétés, et exceptionnels dans les petites. La raison est simple : l’indivision est le seul moyen d’éviter la dispersion en petites parts et elle constitue la première réponse des familles au démembrement du patrimoine familial. Les héritiers sont confrontés aux difficultés administratives et d’aboutissement des procédures de partage. Le partage est évité pour échapper aux paiements des droits. Dans l’irrigué, les partages sont interdits lorsqu’ils aboutissent à des exploitations de moins de 5 ha
- Quoi qu’il en soit les héritiers sont souvent plusieurs et parfois nombreux, et la condition de l’indivision peut se prolonger sur plusieurs générations, conduisant à des situations d’indivision très complexes. Il est à noter que le droit de chaque indivisaire porte sur l’ensemble et non sur une partie déterminée du bien commun. Ce qui est partagé entre les héritiers c’est le droit de propriété sur le bien et non le bien lui-même ; ce bien est indivis. Les parts de chacun n’ayant pas de matérialité sur le terrain, une régularisation des droits de propriété nécessite des calculs de quote-part assez compliqués mais qui sont très bien maitrisés par les notaires de droit musulman ou adoul. Mais il faut souligner que bien que les propriétés soient en indivision, juridiquement parlant, sur le plan de l’exploitation, celle-ci est ne général individuelle.
- Ce régime successoral n’a pas été sans avantage. En l’absence de développement économique non agricole suffisamment dynamique, elle a permis à une grande partie de la croissance de la population de rester sur place freinant ainsi l’exode rural. A l’inverse dans un contexte de croissance économique, l’indivision apparaît comme un obstacle à la mise en valeur et à l’ouverture du marché foncier.
IV.2 Etendue du phénomène et liens avec l’immatriculation
Estimation de l’étendue de l’indivision : un phénomène en croissance.
- Les différentes enquêtes réalisées au Maroc convergent sur le fait qu’on peut considérer qu’au moins la moitié des terres melk sont dans l’indivision.[25] De plus, le melk non indivis est toujours une situation de sursis en attendant l’ouverture d’une succession. Toute propriété melk est donc destinée à tomber dans l’indivision et les propriétés immatriculées elles-mêmes n’y échappent pas car le régime successoral s’applique à celles-ci de la même façon.
- Selon l’enquête menée par la Direction des Aménagements Fonciers en 1997 sur les propriétés tant immatriculées que non immatriculées, l’indivision toucherait 46% des propriétés pour une proportion quasi égale de la SAU. Elle ne toucherait que 36% des propriétés immatriculées. En revanche, 71% des propriétés moulkiya seraient en indivision. Dans la presque totalité des cas (94%), les propriétés regroupent des héritiers. Par ailleurs, 63% des cohéritiers semblent tenir au maintien du patrimoine familial ; pour ceux qui aimeraient en sortir, la procédure est trop longue et trop coûteuse, ce qui les retiendrait de demander le partage.
Tableau 3 : Importance de l’Indivision dans le melk
|
Propriétés immatriculées Enquête ANCFCC 1996 |
Toutes propriétés Enquête DAF 1997 |
Pourcentage de propriétés en indivision |
36% |
46% |
Importance de la superficie en indivision |
30% |
46% |
Nombre moyen d’indivisaires par propriété |
7 |
7 |
Superficie moyenne par indivisaire |
1.7ha |
2ha |
- D’après l’enquête de 1997, l’ensemble des co-indivisaires exploite la propriété indivise dans 39% des cas, et dans 34% des cas celle-ci est exploitée par un ou plusieurs indivisaires. Dans un certain nombre de cas, (non connu), la propriété indivise est de facto individualisée (chaque co-indivisaire cultive la même parcelle depuis longtemps), ce qui constitue le cas le plus favorable pour la sortie de l’indivision. Dans ces cas, un programme d’immatriculation d’ensemble gratuit peut contribuer à accélérer la sortie de l’indivision (cas de Bittit)[26].
Indivision et immatriculation
- L’enquête réalisée en 2007 par la Banque mondiale dans la région de Sefrou et Meknès a permis d’apporter un éclairage sur l’indivision (voir Volume III de cette étude). Le pourcentage des exploitations en situation d’indivision est de 50 % à Meknes et de 57 % à Sefrou (Graphe 1). Le taux d’indivision augmente avec l’immatriculation : 58% des exploitations avec au moins une parcelle immatriculée sont indivises à Meknès alors que l’indivision n’atteint que 42% des exploitations sans titres. De même à Sefrou, ces pourcentages sont de 59% contre 53%.
Graphe 1 : Immatriculation et indivision
Exploitations en indivision (%) |
Exploitations en indivision (%) |
|
|
Note : la différence est statistiquement significative à 1% à Meknes, mais n’est pas significative à Sefrou. |
Note : la différence est statistiquement significative à 1% à Meknes, et seulement à 10% à Sefrou. |
- La présence plus importante de l’indivision parmi les exploitations immatriculées pourrait s’expliquer par le fait que les mécanismes de sortie de l’indivision ne sont pas les mêmes, que l’on soit dans le cas d’une propriété immatriculée ou non. Il semblerait que le fait qu’une parcelle soit immatriculée rende l’accord de partage entre co-héritiers plus difficile, d’une part parce que le morcellement d’une propriété titrée coûte cher (même si les droits d’enregistrement ont été ramenés de 5% à 1% de la valeur du terrain dans le cas d’une propriété titrée indivise). D’autre part, le titre augmente la valeur de la propriété (d’environ 40% à Sefrou, 10% à Meknès) et partant, les montants à rembourser aux co-héritiers qui renonceraient à leur part de terres contre paiement de leur quote-part. Enfin, la terre ayant plus de valeur fait que les co-héritiers sont probablement plus intéressés à faire valoir leurs droits.
- Lorsque l’on interroge les exploitants sur les raisons de maintien de l’indivision, 24 % signalent que le sentiment de lien avec la famille est soit très important, important ou plus ou moins important. Une proportion semblable mentionne les moyens financiers limités pour indemniser les co-héritiers. Une proportion moindre mentionne le fait que la propriété est déjà exigüe (19%) ou les désaccords entre indivisaires (18%).
IV.3 Mécanismes de sortie de l’indivision
- Il existe plusieurs mécanismes juridiques de sortie de l’indivision [27]:
- La sortie amiable, sans intervention judiciaire : le partage ou l’acquisition de l’ensemble des parts indivises par un seul indivisaire au moyen de l’exercice du droit de Chafâa (pour le non immatriculé) ou du droit de préemption (pour l’immatriculé).[28]
- La sortie « forcée » qui peut intervenir :
- Soit sans l’intervention judiciaire par le biais de la vente safka (qui permet à un co-indivisaire de vendre directement à un tiers ses quotes-parts indivises ou la totalité de l’immeuble (sauf exercice par les autres co-indivisaires du droit de dhom leur permettant de se substituer à l’acquéreur) ;
- Avec l’intervention judiciaire par le biais de la vente par licitation judiciaire.
- Cependant, ces mécanismes sont peu utilisés dans les zones rurales car les obstacles y sont nombreux :
-
-
- l’accord amiable n’est pas toujours possible, les quotes-parts sont imprécises[29], le recours à l’institution judiciaire est lent et complexe ;
- la procédure de sortie de l’indivision est longue et son coût élevé (droits d’établissement de l’acte, frais d’enregistrement et droits de conservation foncière) ;
- la vente globale de toute la propriété indivise, n’est possible qu’à la condition, rare, d’obtenir l’accord de tous les héritiers ;
- la vente safka n’est plus pratiquée ;
- la vente d’une part indivise à une personne non- héritière est possible mais peu usitée pour au moins trois raisons :
- elle concerne souvent des superficies trop réduites ;
- elle est menacée par le droit de retrait (chef’aa) que n’importe quel cohéritier peut exercer ;
- si elle était exercée, elle mettrait l’acheteur
extérieur aux prises avec un groupe familial pas nécessairement favorable à l’intrusion
d’un étranger dans l’indivision familiale.
- Les difficultés sont parfois aggravées par la réglementation, comme par exemple :
-
-
- l’interdiction du morcellement pour ne pas créer des exploitations au dessous d’une certaine superficie dans les périmètres d’irrigation, ceux de mise en valeurbouret ceux de remembrement. De même le contrôle des opérations de morcellement des propriétés situées dans les zones périphériques des communes urbaines[30] .
-
- Le fait que chaque co-indivisaire peut vendre sa part mais aussi la constituer en nantissement. En pratique l’hypothèque d’un bien indivis bloque le bien, ce qui empêchera tout partage. Et, une fois le prêt remboursé la radiation n’est pas automatique et cette démarche payante n’est généralement pas faite.
- Toutes ces difficultés n’empêchent pas le partage en jouissance après simple accord verbal ou tacite. Les situations de partage de fait sont fréquentes et seraient évidemment les plus faciles à résoudre. D’ailleurs, les mesures qui permettent d’éviter les procédures longues et coûteuses pour sortir de l’indivision donnent des résultats.
IV.4 La réforme de l’indivision
- On a vu que l’obtention de droits de propriété « moderne », bien que souhaitable, ne résoudra pas la question du blocage des transactions foncières, en raison du nombre grandissant des indivisions et la paralysie qu'elles engendrent dans la gestion des biens concernés.
- L’indivision n’est pas la conséquence de la forme administrative du droit de propriété, moulkiya ou titre. Elle est provoquée par le régime successoral de droit musulman. Le problème est lié au fait que le régime successoral est un domaine sensible car lié directement au droit musulman considéré comme une composante de l’identité du pays. Une réforme touchant ce droit ne peut être considérée comme une simple affaire de technique juridique. D’ailleurs toutes les mesures légales adoptées pour aménager ce droit (limitation du morcellement dans le code des investissements de 1969, loi 34-94) n’ont guère été suivies d’effet, ce en raison des difficultés objectives qui relèvent de l’économique, de l’historique et du culturel.
- D’ores et déjà, des mesures incitatives favorables ont été prises, par exemple les droits d’enregistrements ont été réduits de 5% à 1% pour les partages résultant des sorties de l’indivision.
- La DAF a préparé un projet de loi instituant le Groupement Foncier d’Indivisaire (GFI), assorti d’incitations financières : afin d’une part, de supprimer les dispositions relatives aux interdictions de vente des parts indivises qui étaient en vigueur pour éviter que la taille des propriétés tombent au dessous d’un seuil minimum ; et instituant le Groupement Foncier d’Indivisaire (GFI), assorti d’incitations financières. L’avantage du GFI serait d’une part d’éviter les partages sauvages et d'autre part de donner à l'exploitant la sécurité suffisante pour lui permettre de bien faire son travail. L’objectif est de résorber progressivement l’indivision qui limite l’investissement, en transformant les droits réels des indivisaires (quote part indivise) en droit de créance sur le groupement (quote part indivise), ce qui aura pour résultat d’éviter les partages individuels, encouragerait une gestion sociétaire des terres agricoles[31], ainsi que la possibilité, en cas de désaccord de louer les terrains. La sortie de l’indivision en serait facilitée.
- Cette proposition a été analysée par Xavier Bleicher[32] qui note que:
-
- Sur le plan économique, on peut craindre que cette formule soit difficilement utilisable dans de petites exploitations dans lesquelles les intérêts en cause sont sans commune mesure avec le formalisme ainsi créé.
-
- On peut aussi craindre que la dématérialisation de la terre (qui devient papier) soit difficile à faire admettre en pratique. Il faudra bien expliquer que la dépossession est opérée dès la signature des statuts, et sans espoir de retour, surtout si l'article 27 est maintenu en l'état (article qui interdit les ventes aux apporteurs).
-
- Au surplus peut-on s'interroger sur la compétence technique des adouls dans le domaine du droit des sociétés comme aussi sur la capacité des notaires à se mettre à la portée des petits exploitants dans le secteur rural dans lequel ils sont peu présents.
- Il convient donc de s’interroger si cette formule constitue une solution généralisable au problème de l‘indivision, ou bien si elle est intéressante avant tout pour les grandes exploitations, des terres détenues par des indivisaires dont certains ont quitté la campagne ou même le Maroc, des exploitations déjà bien organisées qui nécessitent de nouveaux investissements coûteux et donc le recours au crédit.
- En tout état de cause, il faudra encore chiffrer le coût de la formule avec la Conservation Foncière, évaluer le coût des bonifications d'intérêts qui seront fournies par le Crédit Agricole, et prévoir des mesures d’accompagnement : campagne d’information et de sensibilisation et appuis juridiques.
- Pour les petites et moyennes exploitations, d’autres solutions sont sans doute à rechercher. Bleicher lance quelques pistes de réflexion :
-
- Il faut tout d'abord résoudre de manière autoritaire les imbroglios d'indivision.
- On sait que l'immatriculation est facultative, on sait qu'elle est parfois difficile à réaliser rapidement, que les dispositions d'encouragement fiscales concernant la moulkiya spéciale n'ont pas donné tout ce qu'elles auraient dû donner, qu'en pratique les indivisaires ont souvent intérêt à ne pas signaler le décès et à réaliser des partages sauvages pour éviter les taxations etc.
- Il faut "solder" les vieilles indivisions passées en instaurant un système de prescription dont les fondements doivent être juridiquement assis de sorte qu'ils ne puissent pas être remis en cause par le droit musulman.
- L'exemple de la moulkiya spéciale pour le non-immatriculé pourrait tout à fait être utilisé pour l'immatriculé : pourquoi ne pas décider en cas d'indivision multiple que les exploitants depuis 10 ans ont acquis par prescription ? Bien évidemment, il faudrait définir des limites et des garanties.
- Ne peut-on pas prévoir que tout indivisaire qui n'aura pas fait valoir ses droits dans un certain délai sera déchu ?
- Ne peut-on pas purger les dossiers dont le titulaire aurait plus de 100 ans ?
- Nonobstant la recherche de solutions législatives du type suggérées
par Bleicher, il faut aussi encourager les sorties par des incitations économiques, qui viseraient à
diminuer la pression relative sur la terre, source du morcellement des propriétés indivises entre
plusieurs petits exploitants. En 1988, le projet ARD[33] a proposé les solutions suivantes :
- Il faudrait trouver une solution qui permette d’exclure de l’exploitation agricole les héritiers en surnombre sans les chasser des campagnes. La formule à imaginer devrait faire en sorte que l’indemnisation nécessaire des héritiers évincés ne les encourage pas à partir pour la ville mais, au contraire, constitue un moyen de les fixer à la campagne.
- Le schéma suivant, qui devra être précisé et
approfondi, pourrait répondre à cet objectif :
- Création d’un fonds pour l’indemnisation des cohéritiers.
- Inciter ces cohéritiers à réinvestir sur place,
dans les petits centres ruraux, leur indemnité en accordant à ceux qui le
feraient :
- Une prime équivalente à 30% du montant de l’indemnité ;
- Un crédit préférentiel ;
- Une aide pour l’acquisition sur place d’une capacité professionnelle ;
- Un soutien technique pendant la phase de démarrage ;
- L’institution d’aide à la création des premières entreprises pourrait apporter une contribution.
Ainsi pourraient être créées, dans les petits centres ruraux, de petites entreprises : mécanique, électricité, chaudronnerie, transport et toutes sortes d’activités qui correspondent à une demande des agriculteurs et des ruraux. Les sommes de l’indemnisation dont on craint à juste titre qu’elles ne soient un encouragement à l’exode, seraient ici recyclées dans le développement local. Pour la première fois une même opération articulerait des objectifs traditionnellement séparés : la modernisation de l’agriculture, la lutte contre l’exode rural et le développement des petits centres ruraux.
V.1 Pression foncière et structures d’exploitation
Population rurale et pression foncière
- La pression foncière sur les terres agricoles marocaines est forte et continue à augmenter. La population agricole est passée de 8 à 11millions au cours des deux dernières décennies. Elle augmentait encore récemment de 1% par an[34]. Une partie trop importante des actifs (44%) est encore employée dans l’agriculture. Chacun de ces actifs ne nourrit au Maroc que 6,3 habitants contre 11,4 en Tunisie et 27,2 en Espagne. Les systèmes familiaux ont su retenir sur les exploitations agricoles l’essentiel du croit démographique et donc ralentir l’exode rural. Mais la surcharge qui en est résultée, en fixant la terre agricole dans son rôle vivrier de valeur refuge, n’a guère été favorable à la mobilité des biens fonciers. Le Maroc est maintenant entré dans la phase de transition démographique, avec un taux de croissance qui s’est fortement infléchi (1.6%) et on peut s’attendre à une stabilisation sinon une diminution de la pression foncière plus ou moins long à terme qui dépendra du progrès dans le reste de l’économie.
Structures foncières
- La persistance de cette pression sur la terre conduit au maintien d’une structure d’exploitation (qui au Maroc est considérée comme proche de la structure de propriété) dominée par l’importance de la petite (< de 5 ha) et moyenne exploitation (de 5 à 50 ha) qui représentent ensemble 99% des exploitants et 85% de la superficie (voir Tableau 3.1). Dans un climat d’attachement des petits exploitants à la terre vivrière, cette répartition laisse peu de place aux transferts importants de propriétés.
Tableau 4 : Répartition de la SAU et du nombre des exploitations
Classe de SAU |
Nombre d'exploitations (milliers) |
SAU (ha) |
Nbre d'exp. |
SAU |
Nbre cumulé |
SAU cumulée |
0-1 |
315.300 |
170.400 |
22,0% |
2,0% |
22,0% |
2,0% |
1-3 |
446.700 |
904.700 |
31,2% |
10,4% |
53,2% |
12,3% |
3-5 |
237.700 |
1.011.100 |
16,6% |
11,6% |
69,8% |
23,9% |
5-10 |
247.800 |
1.894.700 |
17,3% |
21,0% |
87,1% |
45,6% |
10-20 |
125.200 |
1.880.500 |
8,7% |
21,5% |
95,9% |
67,1% |
20-50 |
48.000 |
1.526.300 |
3,4% |
17,5% |
99,2% |
84,6% |
50-100 |
7.800 |
585.200 |
0,5% |
6,7% |
99,8% |
91,3% |
+ 100 ha |
3.200 |
759.400 |
0,2% |
8,7% |
100,0% |
100,0% |
Total |
1.431.700 |
8.732.300 |
100,0% |
100,0% |
|
|
Source : Atelier sur la Politique Foncière Agricole, juin 2000, d’après Recensement Général de l’Agriculture 1996
V.2 Un marché foncier fortement contraint.
- Les informations sur l’activité du marché proviennent des actes enregistrés, donc elles ne prennent pas en compte les transactions enregistrées dans le droit coutumier. Elles nous donnent des réponses partielles et disparates, sans doute sous estimées surtout en ce qui concerne les transactions en milieu rural, mais qui vont toutes dans le même sens.
a. Une étude publiée en 1999 sur le marché foncier et immobilier au Maroc[35] montre que :
-
- Entre 1981 et 1998 la hausse du nombre des transactions dans le secteur rural est faible : 28% en 18 ans contre 69% dans l’urbain. Cette hausse, si faible qu’elle soit, ne semble pas le résultat d’une dynamique interne du secteur agricole. Elle se produit surtout dans le suburbain sous la forte influence du marché de l’habitat dans les villes en pleine expansion.
- Par contre la progression de l’indice des valeurs (prix à l’unité de surface) a très fortement augmenté, y compris dans le rural. Il a été ainsi multiplié par 6 dans ce secteur entre 1981 et 1998. Ce surcroît du prix à l’hectare résulte de l’écart grandissant entre une demande en croissance forte et continue, et une offre bloquée.
b. Les données collectées sur l’Annuaire Statistique du Maroc confirment ce constat (voir Tableau 5)
Tableau 5 : Evolution du marché foncier urbain et rural entre 1980 et 2001.
(en milliers de DH)
Année |
1980 |
1999 |
2000 |
2001 |
||||
Nbre |
Valeur |
Nbre |
Valeur |
Nbre |
Valeur |
Nbre |
Valeur |
|
Vente de biens ruraux |
105.561 |
770.584 |
118.238 |
4.285.649 |
107.632 |
4.542.423 |
108.681 |
4.730.551 |
Indice (100 en 1980) |
100 |
100 |
111 |
569 |
102 |
589 |
103 |
613 |
Vente de biens urb. |
103.265 |
2.742.122 |
147.083 |
24.904.678 |
148.116 |
31.222.789 |
156.763 |
33.920.918 |
Indice (100 en 1980) |
100 |
100 |
142 |
908 |
143 |
1138 |
151 |
1237 |
Part des ventes rurales /total |
50% |
21% |
43% |
14% |
40% |
12% |
39% |
11% |
Source : Annuaire Statistique du Maroc
- Le tableau 4 qui présente l’évolution du marché foncier urbain et rural entre 1980 et 2001 peut être interprété de la façon suivante :
- En une décennie le nombre des ventes rurales est resté stable, donc un marché peu actif. Certes l’évolution de la valeur de ces ventes (elle a été multipliée par 6) semble, en apparence, indiquer un réveil de l’activité marchande. Mais il est plus probable qu’elle signale des transactions portant sur des propriétés de plus grandes dimensions mais surtout une montée des prix du fait d’une offre bloquée. D’ailleurs l’atonie du marché foncier rural est confirmée par la part continûment décroissante que les ventes rurales occupent (elles passent de 50 à 39 % du nombre des ventes et de 21 à 11% de leur valeur) dans les ventes foncières totales.
- Par contre, le marché foncier urbain apparaît plus actif puisque les ventes y progressent de 50% en nombre. Le fait qu’il augmente de plus de 1000% en valeur signale néanmoins un problème d’offre, notamment pour l’urbanisation future. En effet les zones périurbaines souffrent généralement des mêmes facteurs de blocage que les zones rurales. La forte demande urbaine en présence d’une offre relativement bloquée contamine d’ailleurs les marchés fonciers agricoles comme souligné plus avant.
Une demande en forte croissance mais plutôt spéculative
- La demande est principalement le résultat de la croissance urbaine et de son influence, à travers le suburbain et l’habitat rural, sur l’ensemble du marché foncier. La part dominante de l’impulsion urbaine apparaît comme une réalité majeure dans toutes les données. Certaines causes moins visibles (circulation et blanchiment d’argent) peuvent localement exercer sur le marché une forte influence.
- Dans certaines régions le poids financier des résidents marocains à l’étranger et leur propension à accepter des prix plus élevés contribue à rendre la terre plus rare. A Khouribga, par exemple, la situation foncière est déjà marquée par le prélèvement par l’Office Chérifien des phosphates de vastes espaces soustraits au parcours pastoraux et à l’agriculture. Lorsque s’y ajoute la pression sur la terre exercée par des immigrés (en provenance de l’Italie) très organisés et disposant de fortes liquidités qui leur permettent d’acquérir la terre à des prix très élevés, elle devient inaccessible aux agriculteurs locaux.
- Il ne faut pas non plus négliger le rôle attractif de la défiscalisation de la production agricole et de l’énorme valeur ajoutée gratuitement au capital foncier agricole par les investissements réalisés par l’État, dans les grands périmètres d’irrigation entre autres.
- En résumé, la demande est plus liée à des effets d’aubaine et à la spéculation (augmentation du prix à l’hectare dans les grands périmètres irrigués et proximité des périmètres urbains) qu’à l’intention d’investir dans l’agriculture pour produire plus. Elle ne peut encore être qualifiée de demande pour la croissance. Mais elle peut évidemment le devenir si les conditions économiques permettent un encouragement à l’investissement.
Une offre bloquée par la structure foncière, le droit foncier et la politique agraire
- Le blocage de l’offre est la source quasi exclusive de la faible activité du marché foncier rural. La pression foncière et la structure de propriétés ainsi que le rôle de la terre comme valeur refuge, ont été un handicap à l’émergence du marché foncier agricole. Il existe de plus des obstacles juridiques qui s’expriment dans deux grands domaines législatifs : (i) les statuts fonciers et (ii) la réforme agraire (Attribution de terres, contrôle des opérations immobilières et lutte contre le morcellement) et des rigidités sociales, provenant en particulier de l’indivision.
a. Statuts fonciers rigides limitant les transactions :
- Comme on l’a vu dans le chapitre I, un certain nombre de statuts maintiennent la propriété sous contrôle et la prive de toute mobilité. Ils représentent environ 25% de la SAU. A cela il faut ajouter les immenses parcours collectifs de l’oriental et du sud (12 millions d’ha) qui ne sont pas comptabilisés dans la SAU.
Tableau 6 : Précarité juridique des exploitations agricoles, définie comme relation instable du producteur à la terre
Statut |
% de la SAU en situation précaire |
Nb ha de la SAU en situation précaire |
Terres Collectives |
100% |
1.535.000 |
Terres guich |
100% |
240.000 |
Terres habous |
100% |
59.000 |
Terres domaniales |
100% |
270.000 |
Total terres sous statut précaire |
25% |
2.104.000 |
b. Les mesures dirigistes liées à la Réforme Agraire :
- Le contrôle des opérations immobilières a été institué dés l’indépendance sur la vente des terres appartenant à des étrangers (Dahir N°1.63.288 du26 septembre1963). Il s’agissait, à l’époque, d’éviter que ces terres, destinées à être attribuées à de petits agriculteurs dans le cadre de la réforme agraire, ne soient acquises par des acheteurs individuels nationaux. On sait que ce texte, qui n’a pas empêché les ventes massives de fermes coloniales qu’il cherchait à éviter, a cependant été étendu aux transactions passées par des personnes physiques marocaines à l’intérieur des périmètres d’irrigation.
- La lutte contre le morcellement, devenu un des objectifs majeurs de la première politique foncière est assez illusoire, compte tenu de la pression foncière en augmentation constante et des autres facteurs explicités ci-après. Le texte qui l’institue (Dahir1.69.29 du 25 juillet 1969) n’a d’abord été appliqué qu’à l’intérieur des périmètres irrigués, puis étendu aux secteurs de remembrement et aux périmètres de mise en valeur en bour. Le principe de ce texte est de contrôler les transactions de façon à interdire les opérations conduisant à des propriétés d’une superficie inférieure à un seuil estimé de viabilité (5 ha en irrigué, 35 ha en bour).
- Le problème posé par ce texte est qu’il est tout d’abord, d’une application difficile, car il heurte de très anciennes pratiques des paysans et des adoul, liées au régime successoral de droit musulman. Il conduit parfois à écarter de l’accès à la terre des indivisaires en surnombre. Ils peuvent, évidemment, être remplis de leurs droits sur d’autres biens de la succession, ce qui est rarement possible car, le plus souvent, il n’y pas d’autres biens d’une valeur suffisante pour compenser l’éviction et que le fonds[36] qui aurait pu permettre de la financer, n’a pas été utilisé.
- Ces dispositions législatives ont par ailleurs provoqué un certain malaise et se sont avérées impraticables, car l’accroissement du nombre d’actifs sur la terre conduit inexorablement à des propriétés toujours plus exigües. Elles placent les exploitants de trop petites propriétés dans l’illégalité (car ils ne déclarent pas les partages qui conduisent à des exploitations en-dessous du seuil minimal autorisé) mais ne les empêchent pas. De fait, ces dispositions législatives soit bloquent les transactions foncières soit encouragent les transactions informelles, échappant à toute transparence, et conduisant par conséquent à l’insécurité des transactions. Elles augmentent le phénomène de l’indivision et empêchent l’individualisation des terres de culture guich et collectives. Il devient évident que ces dispositions doivent être abrogées.
V.3 Fiscalité : une différence marquée entre l’urbain et l’agricole
Existence d’une fiscalité liée au domaine foncier urbain
- Les immeubles bâtis et constructions et terrains nus affectés par leur propriétaire à une quelconque exploitation sont assujettis à la taxe urbaine, s’ils se trouvent à l’intérieur des périmètres des communes urbaines et leurs zones périphériques, des centres délimités et des stations estivales, hivernales et thermales.
- Ces mêmes immeubles bâtis et constructions de toute nature, et terrains affectés à toute nature d’exploitation sont également assujettis à la taxe d’édilité (TE). Le produit de la T.E est totalement affecté aux communes.
- L’amélioration de l’assiette foncière par l’apurement des droits fonciers en zone urbaine et périurbaine contribuerait à l’augmentation des revenus de l’Etat, par l’augmentation des taxes et droits en lien direct avec le domaine foncier (taxe urbaine, taxe d’édilité, et aussi droits d’enregistrement et de timbre - voir ci- dessous).
- Les taxes ci-dessus ne s’appliquent pas en zones rurales. De plus, est exonéré totalement le profit foncier (égal à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition) sur la cession de droits indivis d'immeubles agricoles situés à l'extérieur des périmètres urbains : entre co-héritiers ; et entre co-indivisaires lorsque les droits ont été acquis depuis plus de 4 ans.
- Dans ce contexte, il faut rappeler que les revenus agricoles sont exonérés de l’Impôt Général sur le Revenu (IGR) jusqu’au 31/12/2010 (L.F. 2001).
- Il est à craindre que cette absence de fiscalité rende l’investissement foncier agricole très attractif, même en l’absence d’objectif de rentabilité, encourageant ainsi la spéculation au détriment des petits et moyens agriculteurs.
Tous les actes, y compris fonciers, sont assujettis à l’enregistrement
- Les droits d’enregistrement sont composés de droits fixes et de droits proportionnels. Les principales opérations obligatoirement assujetties sont les mutations entre vifs à titre gratuit ou onéreux portant sur les immeubles et droits réels immobiliers sont soumis au droit de timbre de 20 DH par feuille de papier utilisée tous les actes et écritures, soit publics, soit privés, livres, registres, répertoires, lettres, extraits, copies etc. Il est important de maintenir ces droits à un niveau qui ne décourage pas l’enregistrement, et donc la mise à jour des livres fonciers. Dans cet esprit, les droits d’enregistrement sont réduits sur la moulkiya spéciale afin d’encourager les immatriculations et les sorties de l’indivision.
- L’ensemble des réformes nécessaires pour fluidifier les marchés fonciers et en sécuriser les droits de propriété devront nécessairement s’attaquer aux problèmes de fond présentés dans ce rapport. Il ne s’agit pas de réformes faciles, ni de mesures qui auront un impact rapide. Elles sont cependant nécessaires pour accompagner la croissance future du Maroc, notamment en facilitant la modernisation de l’agriculture.
- L’autre volet de cette étude, le foncier industriel, faisant l’objet de problématiques différentes et plus spécifiques, nous renvoyons le lecteur au Volume IV de cette étude qui présente un ensemble de mesures –de court à moyen terme celles-ci – pour améliorer l’efficacité du marché du foncier industriel et la gestion des zones.
- Concernant le rural et l’agriculture, les réformes de longue haleine, résumées ci-dessous, mais détaillées dans les volumes II et III suivants, devront s’articuler afin de faire converger les différents marchés fonciers qui coexistent. Il s’agira de :
- améliorer l’efficacité et le ciblage de l’immatriculation rurale, tout en renforçant la moulkiya afin de créer des passerelles entre ces deux types de sécurisation foncière, et les rapprocher ;
- accélérer la «melkisation » des statuts collectifs afin de tendre vers un statut unique ;
- réintroduire une fiscalité agricole et un impôt foncier rural pour les moyennes et grandes propriétés, afin de réduire la distorsion vis-à-vis du foncier urbain et lutter contre les investissements non agricoles sur des terres agricoles, et par la-même réduire les opportunités d’évasion fiscale.
- Les mesures proposées, et reprises pour certaines d’entre elles en plus de détail dans les volumes II et III, incluent les chantiers suivants:
- Tout d’abord il est nécessaire d’accélérer le processus de melkisation, conduisant à l’unification des différents statuts fonciers en direction du melk. Comme nous le détaillerons dans le volume II relatif à la sécurisation des terres, la mise en œuvre de la réforme de la moulkiya (par l’adoption du Code des Droits Réels), accompagnée de profondes actions en vue d’une plus grande efficacité de l’immatriculation foncière – notamment en zones rurales, permettra de réduire les effets néfastes de la dualité des modes de sécurisation au Maroc. Ceci devra permettre l’immatriculation progressive des terres appelées à être fructifiées pour accompagner la transformation de l’agriculture marocaine, mais aussi, durant la période de transition vers la généralisation de l’immatriculation moderne (transition qui pourrait durer des décennies), d’avoir un système de moulkiya renforcée.
- Une stratégie de moyen-terme de sécurisation du foncier rural amènerait ainsi à la mise en place d’un système de sécurité foncière à deux niveaux :
- Un niveau de forte sécurisation offrant le maximum de garantie (titre inattaquable, purge des doits) offert par le système de l’immatriculation ordinaire qui resterait facultatif et payant (même si des subventions provenant des opérations réalisées en zones urbaines et périurbaines pourraient être envisagées).
- Un niveau de moindre garantie – moulkiya renforcée (simple publication avec opposabilité aux tiers) qui devrait satisfaire aux exigences les plus courantes mais qui serait obligatoire dans le cadre de toute formalité touchant un immeuble ; son coût devra être modéré.
- En parallèle, afin de profiter des avantages de l’opération d’immatriculation d’ensemble (rendement croissant) tout en surmontant sa principale limite (absence de ciblage pertinent), il est recommandé d’expérimenter une nouvelle procédure d’immatriculation volontaire groupée. Celle-ci consisterait à réduire les frais d’immatriculation pour des groupes d’agriculteurs voisins qui manifesteraient collectivement leur volonté d’obtenir un titre de propriété.
- Aussi, des mesures ambitieuses favorisant les sorties d’indivision pourraient être mises en place: (1) la mise en place d’un fonds de financement des transactions d’achats de parts entre indivisaires par des prêts aux taux subventionnés ; (2) des tarifs réduits pour les immatriculations d’indivisaires sortants. Le projet de loi sur les Groupements Fonciers d’Indivisaires devrait être testé par une enquête dédiée sur la question d’indivision, afin d’en identifier les différents types, et de dimensionner le segment qui pourrait être intéressé de bénéficier des avantages des GFI.
- Enfin, les distorsions fiscales entre urbain et rural devront être réduites, avec notamment la réintroduction progressive, pour les propriétés d’une certaine taille, d’une fiscalité foncière agricole et d’un impôt sur les revenus agricoles.
Rapports
- Act Consultants, ADEF, Altius urbanisme, et DMR Conseil. Etude réalisée pour la Direction des Domaines. Elaboration d’une stratégie de gestion du domaine privé de l’Etat, Phase I Diagnostic, octobre 2001.
- Bouderbala, Negib, 1994. Les systèmes de propriété foncière au Maghreb: le cas du Maroc
- Brandao, Antonio et Gershon Feder. Regulatory policies and reform: the case of land markets.
- Direction des Domaines, Rapport d’activité, 2004.
- Falgata, Salah, L’immatriculation d’ensemble, ND
- Fédération Internationale pour les Etudes Foncières, Mission de Alain Dassonville, Rapport de mission sur la réforme foncière au Maroc, mai 2005
- Fédération Internationale pour les Etudes Foncières, Mission de Henri Pons, Rapport de Mission sur la Réforme Foncière au Maroc, avril 2006
- Fédération Internationale pour les Etudes Foncières, Mission de Xavier Bleicher, Rapport sur l’Indivision au Maroc, octobre-novembre 2005
- Felk, Med Abdelghaffar, ND. Foncier agricole au Maroc.
- Intélec Géomatique. Etude réalisée pour l’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie. Mise en place Cadastre général. Rapport de la Phase 2 Version définitive. ND.
- M’Hassni, Mohamed ; Mohamed Feljy ; et Hamid Khalali. Le système foncier au Maroc : une sécurité et un facteur de développement durable en milieu urbain et rural, Marrakech, Maroc, décembre 2003
- Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Pêches Maritimes/ Administration du Génie Rural / Direction des Aménagements Fonciers, Atelier sur la Politique Foncière Agricole, Rapport de Synthèse du groupe de travail sur la politique foncière agricole, Rabat, 29-30, juin 2000
- Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Pêches Maritimes/ Administration du Génie Rural / Direction des Aménagements Fonciers, Atelier sur la Politique Foncière Agricole, La Sécurisation de la Propriété Foncière et de l’Exploitation Agricole, Diagnostic et Propositions, Rabat, 29-30, juin 2000
- Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Pêches Maritimes/ Administration du Génie Rural / Direction des Aménagements Fonciers, Atelier sur la Politique Foncière Agricole, Les Structures Foncières Diagnostic et Propositions d’Amélioration, Rabat, 29-30, juin 2000
- Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural, et des Pêches Maritimes/ Administration du Génie Rural / Direction des Aménagements Fonciers, Note sur les réformes structurelles à engager dans le domaine du foncier agricole, mai 2004
- Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire/ Direction de la Conservation Foncière et des Travaux Topographiques, Immatriculation Foncière en Zone Nord, 1992
- Ministère de l’Intérieur/Direction des Affaires Rurales. Aspect Juridique et Réglementaire des Collectivités Ethniques et du Patrimoine Collectif. ND
- World Bank, Maroc, Evaluation du système juridique et judiciaire, 2003
- World Bank, Republic Of Yemen, Urban Land Policy And Administration, Policy Note, June 10, 2005
Lois (en Arabe)
- Ministère de la Justice, Dahir Organisant la Profession des adoul et la Réception et la Rédaction des Témoignages, 2 mai 2006
- Ministère de la Justice, Projet de code des Droits Réels
Lois (en français)
- Agence Nationale de la Conservation Foncière du Cadastre et de la Cartographie, Projet de Loi Modifiant et Complétant le Dahir du 9 Ramadan 1331 (12 aout 1913) sur l’Immatriculation des immeubles, octobre 2004.
- Direction des Affaires Rurales, Projet de loi Organisant la tutelle administrative des collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs.
- Direction des Affaires Rurales, Projet de Loi Relative aux terres collectives de culture situées a l’extérieur des périmètres urbains.
- Direction des Affaires Rurales, Projet de Décret Relatif aux Terres Collectives de Culture situées a l’extérieur des périmètres urbains
- Direction des Aménagements Fonciers, Projet de Loi Relatif à la Sortie et la Liquidation des Propriétés dans L’Indivision et Morcellement des Propriétés Agricoles.
- Direction des Aménagements Fonciers, Projet de Loi Portant Révision de Certaines Dispositions Relatives à l’acquisition de Propriétés Agricoles Situées à l’extérieur des Périmètres Urbains, au Contrôle des opérations immobilières et aux Propriétés dans l’indivision
- Direction des Domaines, Loi no. 05.01 relative à la cession à leurs occupants réguliers de certains lots agricoles ou à vocation agricole relevant du domaine de l’Etat
- Direction des Domaines, Loi no. 05-01 relative à l’attribution à des agriculteurs de terres agricoles ou à vocation agricole faisant partie du domaine privé de l’Etat
- Direction des Domaines, Loi no. 07-01 relative aux coopératives agricoles d’attributaires de lots domaniaux et/ou d’attributaires de lots constitués sur d’anciens immeubles collectifs.
- Ministère de l’Agriculture, Projet de Loi Relatif aux Terres collectives de culture
- Ministère de l’Agriculture, Projet de Loi Relatif aux terres agricoles ou à vocation agricole guich non concédées
Rapports Statistiques
- ANCFCC, Service de Statistiques et du Suivi des Réalisations, Rapport pour la Banque Mondiale, juin 2007
- Annuaire Statistique Du Maroc, 2005
[1] Voir : Bouderbala et Pascon. « Le droit et le fait dans la société composite (Essai d’introduction au système juridique marocain) » BESM n°117, 1971 ; Bouderbala « La formation du système foncier au Maroc » BESM N° 133-134. 1976.
[2] Il convient cependant de prendre les données de ce Tableau avec précaution. Pour les terres melk, les chiffres proviennent du Recensement Géneral de l’Agriculture (RGA), donc des déclarations des exploitants. Rien ne garantit que les exploitants aient déclaré des parcelles comme melk, leur appartenant, alors que ce pourrait être des terres collectives ou domaniales, donc des parcelles dont le statut est litigieux. Il se pourrait donc qu’il y ait moins de superficies melk que le Tableau ne le laisse supposer.
[3] Le terme de terres « collectives » , devenu d’usage courant a été créé par le Protectorat et peut donner de la réalité de ces terres une image déformée. En effet, dans beaucoup de leurs pratiques et en particulier pour ce qui est du partage des terres de cultures, les pratiques sont plutôt individuelles. Dans leur forme originelle, ce sont des terres de tribus régulées par une coutume préislamique.
[4] Les fonctions du naib sont mentionnées dans le Dahir du 27 avril 1919, article 4 et suivants.
[5] (Articles 3 et 12 du Dahir du 27 avril 1919)
[6] Aspects juridiques et réglementaires des Collectivités Ethniques (DAR)
[7] Dahir N° 1.69.30 du 25 juillet 1969, relatif aux terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation.
[8] Les habous privés sont estimés à 200 000 ha, estimation sujette à caution.
[9] Le domaine est formé des biens et droits, immobiliers ou mobiliers, appartenant à la puissance publique, (domaine privé) ou laissé à l’usage de la collectivité nationale sous le contrôle de l’Etat (domaine public).
[10] Article 3 de la Loi 05-01, qui modifie et complète le Dahir du 29 décembre 1972 et dont le décret d’application a été publié en août 2006.
[12] Recensement général de l’Agriculture (1996)
[13] Bouderbala, Najib
[14] DAF Note sur les réformes à engager dans le domaine du foncier agricole. (sans date)
[15] C’est en particulier le cas dans les périmètres irrigués.
[16] En principe pour prouver son droit, il faudrait établir ou que l’on est le propriétaire originel, ou bien qu’on a acquis ce droit de propriété régulièrement d’une personne qui elle-même en était le propriétaire originel ou en avait elle-même acquis le droit d’une personne qui en était propriétaire, remontant ainsi toute la chaîne de propriétaires successifs.
[17] Par exemple Suisse, Australie, Nouvelle Zélande, Ecosse, Kenya, Liban, Syrie, Tunisie et Algérie.
[18] Ce Dahir prévoit même (art 65 bis) des délais limitatifs et de pénalités.
[19] Cité dans X. Bleicher p.13.
[20] 3.646 en 2001
[21] Les membres du conseil forment le noyau d’acteurs les plus importants dans le domaine foncier.
[22] Pour rappel, seuls 30% des parcelles du pays sont immatriculées, c’est dire le potentiel financier (et économique) de l’immatriculation, du moins en zones où les prix de l’immobilier sont élevés.
[23] Le système foncier au Maroc. Une sécurité et un facteur de développement durable, Au milieu urbain et rural, Mohamed M'HASSNI, Mohamed FELJY et Hamid KHALALI, Maroc
[24] Son établissement s'opère sur la base des Ortho-Photos-Plans au 1/2000 ou 1/5000 selon le parcellaire, et renseignées par des informations textuelles collectées sur le terrain lors de la reconnaissance parcellaire.
[25] Certains pensent que la part réelle de la propriété indivise dans le melk est plus proche des 78% relevés dans une étude sur les Doukkala en 1991 que des 46% signalés par la Direction des Aménagements fonciers (Atelier de politique foncière agricole. AGR, juin 2000).
[26] En fait, la propriété melk, qu’elle soit immatriculée ou non, a vocation à devenir indivise puisqu’elle est nécessairement soumise au régime successoral du chraa. Les seules propriétés qui y échappent sont celles qui résultent d’un achat individuel récent ou celles qui sont la conséquence d’un partage définitif d’une propriété indivise. Ces deux cas ne sont pas fréquents. La présence statistique plus faible dans les terres dotées de titre foncier de l’indivision ne doit pas nous entraîner à penser que c’est l’immatriculation qui fait reculer l’indivision. En fait, dans les terres immatriculées, l’origine plus récente de la propriété fait que les successions y ont été plus rares.
[27] Rapport sur l’indivision au Maroc, FIEF, X. Bleicher Oct./Nov. 2005.
[28] Articles 25 à 34 du Dahir du 2 juin 1915 fixant la législation applicable aux immeubles immatriculés.
[29] En dépit de la solution apportée par l’article 961 du DOC : « dans le doute les portions des communistes sont présumées égales ».
[30] Loi No 25-90 relative aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements).
[31] Notons que cette proposition de loi va tout à fait dans le sens de la stratégie de développement de l’agriculture « Plan Vert » présentée à l’occasion du Salon International de l’Agriculture de Meknés de 2008.
[32] Source : Xavier Bleicher. Rapport sur l’Indivision au Maroc. Fédération Internationale des Etudes Foncières (FIEF), octobre-novembre 2005.
[33] Source : Projet ARD (IAV Hassan II et ORMVAG ; Dir. N Bouderbala.
[34] IAM de Montpellier. MEDAGRI
[35] Observatoire de l’habitat, Ministère de l’aménagement du territoire, « Le Marché foncier et immobilier » Rabat, juin 1999. ORMVAH « Dynamique du marché foncier dans la zone d’action de l’ORMVA du Haouz….Consultant Négib Bouderbala. (…..)
[36] Convention passée avec le Crédit agricole en 2001.